Hommage au cinéma de Cheyenne-Marie Carron

J’ai longtemps consommé les films comme un pur loisir, sans même je l’avoue tenir compte du nom du réalisateur, ce qui, avec du recul, me semble complètement aberrant. Il en allait des films comme des musiques que nous écoutons à la radio : on les connait, on fredonne les chansons, mais au blind-test ou au Trivial Pursuit, c’est généralement la question joker, le camembert manquant, celui qui fait qu’on reste toujours perdant sauf à tomber sur la question miracle ultra facile !

En littérature, il ne me viendrait jamais à l’idée de ne pas regarder et retenir le nom des écrivains des livres que je lis et c’est bien parce que je les connais ou apprends à les connaitre, que mon choix en est d’autant plus avisé.  Mais en matière cinématographique, illustres inconnus bien souvent, ce n’est qu’assez récemment que j’ai commencé à pouvoir dresser des filmographies et à m’intéresser à la démarche artistique de leurs auteurs.

Ainsi, j’ai toujours regardé des films régulièrement, mes goûts ont évolué, se sont affinés, préférant largement aujourd’hui les films de niche à ceux considérés comme grand public, mais je ne pourrais pas légitimement me classer comme cinéphile.

Je parle donc des films beaucoup plus rarement que des livres car si ces derniers m’inspirent rapidement une logorrhée sans fin, les films peuvent me transporter mais je ne sais pas toujours en parler autrement qu’en j’aime-j’aime pas (ce doit être l’effet « like » de facebook, celui qui dit « vu » et évite de se prononcer).

Sans donc pouvoir porter un regard de spécialiste, je ne parle que de ceux qui m’ont semblé, à mon humble niveau, particulièrement remarquables, mes critères de discernement étant généralement celui de la profondeur du scénario et la puissance et la justesse qui s’y dégagent.

A l’aune de ces critères, j’ai regardé récemment l’intégralité de la filmographie de Cheyenne-Marie Carron (7 films, un prochain devant sortir prochainement).

J’avais vu l’Apôtre il y a quelques années que j’avais beaucoup aimé (le pratique « like » surgit). J’avais pu voir son nom apparaitre aussi sur facebook, elle ne m’était pas ainsi totalement inconnue…

Et puis tout récemment, j’ai visionné une longue interview de Cheyenne-Marie Carron datant de 2014 sur KTO  et je suis tombée sous le charme de la réalisatrice, à peine 40 ans et jolie comme un cœur, ainsi que de son histoire personnelle et professionnelle. Enfant de l’assistance publique, elle sera élevée dans une famille d’accueil catholique à Valences qu’elle fera sienne (elle se fera baptisée des années après) puis à 18 ans, elle montera sur Paris avec une seule idée en tête, réaliser des films, ayant pour seul bagage (et expérience), celui d’avoir visionné des tonnes de films en VHS toute son enfance et une détermination hors du commun.

Son parcours personnel et spirituel, sa volonté et sa force de caractère, ne sont donc pas étrangers au choix de ses films, qu’elle écrit, réalise et produit elle-même, des films exigeants qui abordent des sujets délicats, mais toujours avec beaucoup de justesse et de profondeur.

Proche de l’âme et de ses combats, pétrie par la diversité des parcours et vies humaines, elle nous offre des films variés parlant aussi bien du chemin de conversion d’un musulman au catholicisme  considéré comme apostat par sa communauté (L’Apôtre), que de l’intégration et du racisme dans les banlieues (Patries) ou celui des jeunes attirés par le djihadisme (La Chute des Hommes) en passant par le délicat sujet du placement en famille d’accueil (Une fille publique, film largement autobiographique) ou de l’emprise psychologique d’un tiers dans un couple (Ne nous soumets pas à la tentation).

Loin des images linéaires ou des lieux convenus sur ces sujets, elle nous offre des films subtils et malgré tout sans concession ni langue de bois. Ses acteurs sont par ailleurs toujours remarquables, très naturels, ce qui rend ses films d’autant plus convaincants. Un cinéma que j’apprécie, où la puissance du scénario et l’humanité de ses personnages effacent largement le côté « petit budget » qui peut parfois transparaitre. Un cinéma militant et assumé.

J’avoue avoir moins accroché avec ses deux premiers films (Sans limite et Extase), trop torturés à mon goût, mais j’ai littéralement adoré tous les autres.

 

J’attends de voir son dernier film (La Morsure des Dieux) avec impatience.

Produisant ses films en dehors des sentiers battus, lui permettant de réaliser les films qu’elle veut en toute indépendance, sans censure ni relecture, elle est malheureusement peu distribuée dans les salles de cinéma, bien que souvent sélectionnée et primée dans des festivals.

Il faut donc être un connaisseur averti pour les visionner sur la toile quand ils sortent. A défaut, il faut les voir en DVD, ce qui est un excellent moyen de contribuer financièrement à son art.

 

 

 

 

 

1 réponse
  1. Hugues
    Hugues dit :

    Une pépite et un cinéma libre et engagé. J’ai eu le plaisir de le découvrir grâce à cette dénicheuse de bons plans qu’est Elvire et j’ai adoré l’Apotre.
    Sans tomber dans la facilité ni caricaturer un sujet si sensible cette réalisatrice nous livre un film qui tient toutes ses promesses grâce à des comédiens remarquables et une caméra qui nous immerge entre fiction et reportage. À découvrir.

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