Je vous écris de la Terre Sainte de David Neuhaus

 

« Alors que notre pays était une fois de plus déchiré par la haine et la violence pendant l’été 2014, j’ai pris conscience que, plus que jamais, les disciples du Christ étaient aujourd’hui confrontés à de nouveaux dilemmes œcuméniques en Terre Sainte. (…) Où sont les disciples du Christ ? Dans la guerre entre Israéliens et Palestiniens, ils sont des deux côtés. (…) Dieu dans sa sagesse a semé les graines de la vérité de tous les côtés du conflit multidimensionnel qui engloutit la Terre Sainte depuis des décennies. Cependant la question de savoir où sont les disciples du Christ n’est pas seulement géographique. Il s’agit de savoir quelle position ils adoptent alors que le monde dans lequel ils vivent est plongé dans la guerre et la violence. »

J’ai lu cet ouvrage sur les vives recommandations de mon paternel, et je ne peux que l’en remercier car je le referme en ayant le sentiment de toucher du doigt une dimension spirituelle et œcuménique d’une grande intensité et dont je l’avoue je ne soupçonnais pas la richesse.

Des livres sur la Terre Sainte, il en fourmille beaucoup mais ce qui rend celui-ci remarquable et particulièrement notable c’est la vie, la personnalité et la vocation de son auteur.

David Neuhaus vit en Terre Sainte depuis ses 15 ans. De nationalité israélienne, il s’est converti du judaïsme au christianisme avant de devenir jésuite. Il est aujourd’hui Vicaire du Patriarcat latin auprès des catholiques de langue hébraïque et il est passionné par le dialogue interreligieux.

David Neuhaus est donc tout à la fois israélien, juif, catholique et prêtre, il vit au cœur du conflit israélo-palestinien, connait de facto la Terre Sainte dans toute sa diversité et spécificité et il est considéré comme l’une des grandes voix de la Terre Sainte au service de la paix.

Il propose dans ce livre des écrits articulés autour de trois grands thèmes :

–          La Terre Sainte aujourd’hui

–          Les relations entre juifs et chrétiens

–          La Bible et la Terre Sainte

Il est difficile de résumer ce livre tant les thèmes abordés sont nombreux, complexes et détaillés. Il n’est pas question dans ce livre de parler du conflit israélo-palestinien proprement dit mais bien de parler des hommes, des femmes qui vivent en Terre Sainte, et notamment de la communauté chrétienne, extrêmement minoritaire et extrêmement diversifiée : palestiniens chrétiens, israéliens chrétiens, eux-mêmes se distinguant selon l’Eglise à laquelle ils sont affiliés : catholique, orthodoxe, orientale, anglicane, protestante et évangélique, sans oublier les juifs messianiques.

Les écrits concernant les relations entre juifs et chrétiens sont absolument passionnants. La Qehilla, regroupant les catholiques d’expression hébraïque, est établie au sein du patriarcat latin de Jérusalem depuis 1955. Le contexte unique dans lequel elle est implantée et vit sa Foi crée un lien étroit avec le peuple juif en Israël et cette appartenance lui donne une place privilégiée pour travailler à la guérison et à la réconciliation.  Depuis le document du concile Vatican II, Nostra Aetate, l’attitude de l’Eglise envers le peuple juif a considérablement changé, en passant je cite « d’une culture du mépris » à « une culture du respect ». David Neuhaus nous rappelle comment l’Eglise n’a eu de cesse depuis plus de 50 ans de rechercher ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous divise, et en reconnaissant la distinction entre le judaïsme biblique que les chrétiens considèrent comme faisant partie d’eux-mêmes (les ainés dans la Foi) et le judaïsme rabbinique dont est né le judaïsme contemporain se développant en parallèle du christianisme, elle a ouvert en quelque sorte une porte pour le dialogue avec les autres religions.

Je vous laisse lire le livre pour entrer plus avant dans la profondeur des échanges théologiques à ce sujet qui sont, au risque de me répéter, passionnants.

Le conflit israélo-palestinien est une des plus grandes tragédies de notre époque contre laquelle chrétiens, juifs et musulmans doivent lutter ensemble pour bâtir un avenir commun.

Les visites des derniers papes en Terre Sainte n’ont eu de cesse de rappeler que reconnaître les souffrances de ses habitants, de part et d’autre, doit s’accompagner pour l’Eglise d’une présence concrète de pardon, réconciliation, d’amour et d’espoir qui doit dépasser « les murs ».

Rappelons toutefois qu’en Terre Sainte, et plus largement au Moyen-Orient, les chrétiens sont minoritaires :  la grande majorité des chrétiens en Israël et Palestine sont des Arabes dont les 3/4 environ sont citoyens d’Israël. Au sein de la Palestine, ils représentent 2% de la population essentiellement musulmane.

Le maintien des chrétiens dans leur pays natal historique et dans les pays avoisinants est aujourd’hui le plus grand défi auquel ils doivent faire face : les massacres auxquels ils sont confrontés et les tentatives légitimes d’émigration laissent ouverte la question de savoir s’ils survivront au Moyen-Orient.

« La présence chrétienne au Moyen-Orient ne se mesure pas et ne se mesurera pas à son importance statistique mais plutôt à l’aune de sa contribution à la société, notamment au service de l’éducation, de la santé, du travail humanitaire et au langage de l’amour. Face aux peurs qui continueront d’étreindre les chrétiens si le Moyen-Orient reste ébranlé par l’instabilité et le chaos, la foi est le seul antidote. » écrit David Neuhaus.

Un livre à lire impérativement.

 

 

5 réponses
  1. Père David
    Père David dit :

    Chère Elisabeth, Je voudrais vous remercier beaucoup pour votre gentillesse d’avoir écrit un compte rendu aussi généreux… Et je vous remercie également de l’avoir envoyé a mon mail. Cela m’encourage beaucoup!
    Merci et amitiés,

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  2. Anne-Elise
    Anne-Elise dit :

    Les femmes sont absentes des commentaires. Je choisis cette occasion pour parler de paix. Paix dans nos cœurs et nos âmes. Merci Elvire d’être un vecteur formidable de réconciliation, de réflexion et d’amour.

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  3. Colbert
    Colbert dit :

    Je ne peux qu’apporter ma voix et mes mots aux propos d’ Edouard et d’Hugues. Bravo Elvire d’apporter votre témoignage et votre contribution à l’édification d’un mur de la paix entre nos religions

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  4. Hugues
    Hugues dit :

    En tant que juif je suis très sensible à ce rapprochement entre juifs et catholiques. Nous sommes unis malgré nos différences, une famille qui se dispute mais une famille, ne l’oublions pas…

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  5. Edouard
    Edouard dit :

    Sujet brulant, où l’essentiel est bien un dialogue entre religions, car le seul message audible et possible est « le pardon, la réconciliation, l’amour et l’espoir qui doit dépasser les murs »… très beau billet qui apporte un peu de clarté dans la pénombre…

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