Merci pour ton agréable réponse…

Ma précieuse princesse est une petite fille de 10 ans dont le cerveau extrêmement vif et bien agencé conduit la maman que je suis à devoir adopter vis-à-vis d’elle un comportement qui n’entre pas dans l’affrontement ni dans la discussion stérile mais doit l’amener à se persuader que la décision, murie et réfléchie, vient d’elle, ou tout du moins, qu’elle en devienne évidente et donc acceptée.

Ce qui pourrait être extrêmement usant si elle était dans la provocation, est en fait pour moi une source de ravissement et de sourires intérieurs sans fin, je le reconnais, non pas uniquement parce qu’elle est ma fille, mais parce que je dois l’avouer, je ne connais pas beaucoup d’enfants voire même d’adultes, dotés d’une telle capacité à arriver à ses fins sans heurt ni caprice, ni violence verbale et dans une très juste prise de considération des caractères de chacun.

Tout récemment ma fille s’est mise en tête qu’elle voulait être enfant de chœur. Spontanément, je lui ai dit non, avec pour seul argument hérité d’une éducation très traditionnelle dans ce domaine, que c’était une mission pour les garçons.

Bien mal m’en a pris, j’ai senti que je glissais par ce genre de réponse sur une pente savonneuse.

J’ai d’abord eu la réaction « féministe » : les petites filles sont-elles moins soigneuses que les garçons pour le service d’autel ? Il se trouve que cet été le hasard des rencontres l’a conduite à passer une journée auprès de religieuses et avait, à cette occasion, accompagné l’une d’elle en sacristie pour la préparation de la célébration eucharistique (le linge d’autel, les fleurs, les objets liturgiques …) et qu’elle y avait trouvé un plaisir infini. Les religieuses le font bien, me rétorque-t-elle. Certes mais ce sont des religieuses, et ne sont pas à proprement parlé des enfants de chœur (là je me sens vraiment à court d’arguments …)

J’ai bien senti que je n’étais pas très convaincante, et que sujet, loin d’être clos, allait ressurgir sous une forme ou une autre, et effectivement ma fille m’a brandi la « motivation spirituelle » : tu sais maman, ce n’est pas toujours évident d’aller à la messe le dimanche. Alors, si j’avais un engagement à respecter, cela serait plus motivant.

Distribuer les feuilles de chant, la quête ? ah non, ce n’est pas pareil… et puis, il y a déjà des filles enfant de chœur, donc pourquoi pas moi.

Argument ultime qui me fait vriller le cerveau car comment motiver sans critiquer ce qui se pratique dans beaucoup de paroisses.

J’ai donc manié l’arme ultime, celle devant qui au même âge je n’aurais pas osé dire non, ni même discuté et j’ai murmuré lâchement : demande à bon-papa.

J’ai cru qu’elle se défilerait et abandonnerait sa requête de ce chef. Mais pas du tout et, sans se laisser démonter, lui a écrit en bonne et due forme. Bon-papa lui a répondu de façon circonstanciée et avec des mots tout à fait adaptés à son âge, dans un long mail, et moi, très satisfaite de m’être brillamment déchargée du sujet, je me suis frottée les mains.

Ma fille lui a renvoyé un mail dans la foulée, dans lequel je me suis imaginée qu’elle lui manifestait sa compréhension et éventuellement sa déception.

Mais un appel amusé de mon papa m’a fait jeter un œil sur leurs échanges et j’ai trouvé le courriel de ma fille tellement délicieux que je ne peux m’empêcher de le reproduire tel quel :

« Cher Bon – papa, j’ai lu ton message, mais, je crois que, même si maman n’est pas tellement d’accord  (enfin, presque ), et que tu m’invite à regardé, j’aimerais beaucoup, beaucoup être enfant de chœur et je pense que je vais l’être. Merci pour ton agréable réponse, I…. (Accompagné d’un smiley clin d’œil).

Ce « merci pour ton agréable réponse » est absolument extraordinaire et m’a fait rire plusieurs jours d’affilée, car il revêt tous les atours de la sagacité, de la politesse et du « cela ne m’empêchera pas de faire ce que je souhaite ».

Un esprit taquin pourrait penser, tout comme moi, à ce fameux « merci pour ce moment », mais ce ne serait pas rendre hommage à ma merveille dont l’intelligence du cœur s’allie à la raison pour ordonner l’action, et si l’argument n’est pas intégré il ne trouve pas d’effet…

L’argument ultime proviendra probablement de son frère qui à mots couverts m’a dit : elle serait capable de me dire durant toute la messe de ne pas bouger, alors je préfère être enfant de chœur tout seul.

Ite missa est …

3 réponses
  1. Caillaux Jean-Claude
    Caillaux Jean-Claude dit :

    Et pourquoi donc (en dehors de l’argument de son frère) ne serait-elle pas enfant de choeur ?
    D’où vient, à votre avis, cette séparation des sexes dans l’église ?
    Jésus eut des disciples femmes, sauf à censurer les Evangiles (ce que d’aucuns n’hésitent pas à faire, volens-nolens).
    Hardiesse, hardiesse, petite fille ! Et persévérance ! Mais le combat ne sera pas fini que tu auras déjà dépassé les 90 ans…, je le crains. Alors raison de plus pour aller de l’avant, envers et contre tout, et toutes et tous.
    Jean-Claude Caillaux (qui fut enfant de choeur, et sans collègue-fille, compte-tenu de mon âge…)

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    • Elvire Debord
      Elvire Debord dit :

      En fait je n’ai pas vraiment la réponse si ce n’est effectivement une certaine tradition dont il est parfois difficile de se défaire…
      Mais dans ma paroisse, c’est effectivement mixte et je dois reconnaître qu’être enfants de chœur tous les deux les a fortement motivés pour aller plus assidûment à la messe, je n’en vois que des bénéfices et des grâces spirituelles

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  2. Hugues
    Hugues dit :

    Cette petite fille a l’intelligence de sa mère, le charme de son frère ( qui est une pure merveille…) la malice d’une adolescente mais la sagesse de « s’imposer sans rien imposer »
    . Une future femme très originale et pleine de ressources, un bourreau des cœurs à venir…

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