La nuit des choses de Marie-Hélène Gauthier

« Elle revenait inlassablement à cette interrogation reconduite, de la disparition progressive d’un homme empressé, entreprenant, qui s’était lancée dans une telle conquête, accumulant les lettres, les appels, les messages, entrant dans sa vie en grand coup de vent, l’occupant, l’encerclant, et qui avait dénoué les fils, sans clarté, sans disparaitre tout à fait, lui laissant le soin de porter les raisons de cela, d’en comprendre l’intention et le fait qu’on puisse envahir  puis déserter sans jamais reconnaitre l’engagement ni la trahison. (…) Il lui fallait s’assurer d’une place, d’une intimité vraie, d’un attachement sincère, parce qu’elle ne désirait jamais remplacer quelqu’un, chasser un souvenir, une histoire, empiéter sur un passé qu’elle respectait, mais arriver pour elle-même, mettre sa main libre dans la main librement tendue d’un geste qui l’inviterait. »

Certains livres sont des chefs-d ’œuvres, d’autres des classiques, quelques-uns des pépites pour une poignée de lecteurs ou des coups de cœur pour des libraires, des livres de chevet ou des têtes de gondole. Le coup de foudre pour un livre ne s’explique pas, il n’est pas nécessairement rationnel, son origine ne se niche pas seulement dans une forme d’écriture, ou une histoire, dans son caractère universel ou sa moralité.

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Le Lieutenant Burda de Ferdinand von Saar

« Il n’était pas seulement un officier très compétent et efficace, il avait acquis en outre, grâce à ses nombreuses lectures, une sorte de culture générale qu’il s’entendait à combiner avantageusement avec les bonnes manières d’un homme du monde. Comme chef, il passait pour sévère, mais juste ; face à ses supérieurs il affichait une attitude modeste, certes, mais tout à fait assurée ; avec ses camarades, il adoptait un comportement quelque peu retenu et réservé, mais était néanmoins toujours disposé à prêter fidèlement assistance à chacun en paroles et en actes. Nul ne veillait plus jalousement que lui à ce qu’on appelle l’esprit de corps, et sur tout ce le qui touchait en son honneur, il se révélait d’une sensibilité sourcilleuse. »

Ferdinand von Saar (1833-1906) intègre la lignée de ces écrivains qui ont tous les talents, auteur de tragédies mais surtout de nombreuses nouvelles, poète à ses heures, qui connut certes quelques heures de gloire mais qui pourtant fut éclipsé de son vivant par Zweig ou Schnitzler, et est resté injustement dans l’ombre en France notamment faute d’avoir été suffisamment traduit et publié.

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