La partition intérieure de Réginald Gaillard

« Pourquoi nous faut-il endurer la trivialité et l’ennui du quotidien alors que, je le sais, je le sais parce que je le sens, vous suivre ne saurait être se conformer à ce banal enchaînement d’habitudes du corps, autant que de la parole, vite usées par le temps des hommes. Faire chair avec le temps du Christ, qui n’a ni passé ni futur, qui n’est que présent ou infini, ce qui est peut-être la même chose, n’advient que le temps d’une fulgurance poétique ou mystique, brefs instants de lucidité où tout semble simple et possible. (…) Ils ne mesuraient pas la légèreté ou l’insouciance qui les plaçaient, à leur insu, dans un esprit mortifère. Peut-être est-ce cela la vraie mort : lorsque l’esprit n’est plus vigilant. »

Les critiques sur ce livre, avant même sa sortie, ont été si dithyrambiques, qu’il me semble difficile aujourd’hui de pouvoir rajouter ma pierre à l’édifice.

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L’art de perdre d’Alice Zeniter

« Si on pouvait le regarder au travers de ses paroles, on distinguerait deux silences, qui correspondent aux deux guerres qu’il a traversées. La première, celle de 39-45, il en est ressorti en héros et alors son silence n’a fait que souligner sa bravoure et l’ampleur de ce qu’il avait eu à supporter. On pouvait parler de son silence avec respect, comme d’une pudeur de guerrier. Mais la seconde, celle d’Algérie, il en est ressorti traître et du coup son silence n’a fait que souligner sa bassesse et on a eu l’impression que la honte l’avait privé de mots. »

 Ma chère Elvire,

Nos longues discussions, qu’elles soient orales ou épistolaires, ont durablement transformé ma façon de voir le monde qui m’entoure, et il n’est pas rare que ce qui m’indifférait auparavant suscite désormais mon intérêt.

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L’héritage de Benoit XVI de Christophe Dickès

« Aucun personnage public dans l’ère moderne n’a souffert d’une disjonction plus dramatique entre son image publique et la réalité de sa personnalité. (…) Tant humainement qu’intellectuellement, il avait cette double capacité à rafraichir la raison et à réchauffer le cœur de son interlocuteur. (…) Benoit XVI a joué la partition de l’intelligence de la foi, (…) en nous expliquant la foi, l’espérance et la charité dans la tradition des grands docteurs de l’Eglise. (…) Mais son premier héritage, est celui de la renonciation et surtout de la « création » au sens propre d’une nouvelle charge dans l’Eglise, celle de pape émérite. »

 Le passage presque éclair de Benoit XVI au ministère pétrinien (2005-2013) m’a laissé peu de traces car il est intervenu à une période de ma vie que je pourrais qualifier de désert spirituel, à tout le moins à une époque où certains évènements personnels m’ont rendue imperméable à toute question théologique. Je le suivais et écoutais à distance, mais ne m’en imprégnais pas, et ce que je savais de Benoit XVI relevait davantage de discussions familiales que d’une prise de possession intérieure de ses écrits.

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L’appel des oliviers de Françoise Evenou

« Non Francisco n’était pas un fou ; c’était un cœur pur, vouant sa vie à Dieu, et son âme le réfléchissait comme un miroir. Il veillait et priait sans cesse. Et l’homme qui chemine avec Dieu s’abandonne totalement et avec confiance entre les mains du Père, se sent libre, et n’a rien à craindre, n’est dominé par rien. Alvaro, qui avait mis toutes ses forces et sa confiance en lui seul, refusé toute autre loi que la sienne, découvrait que l’homme qui ose s’abandonner à un Autre que soi puise sa force à la source de la Vie. (…) Comme la bonté et la joie, la paix est contagieuse.

Françoise Evenou est venue à moi il y a environ deux semaines et m’a demandé si elle pouvait m’envoyer son livre. Trois petits clics sur internet rapides, son sourire lumineux qui s’affiche, Salvator en éditeur, et j’ai dit oui évidemment, touchée par cette marque de confiance.

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Une histoire des loups d’Emily Fridlund

« Aujourd’hui, il m’est difficile d’évaluer quelle part de ce que j’ai fait et désiré à l’époque résultait directement d’une version de cette pensée-là. Quelle est la différence entre ce qu’on veut croire et ce qu’on fait ? (…) Et quelle est la différence entre ce qu’on pense et ce qu’on finit par faire ? (…) Parfois, quand je m’assois derrière la cabane rénovée avec ma mère sur ce qui nous reste de terrain, j’essaie de me remémorer les bois de mon enfance. Je ne me laisse pas aller à la nostalgie. Les bois n’ont jamais été magiques à mes yeux ; je n’ai jamais été jeune ou possessive au point de les voir ainsi. »

 Depuis 2006, les éditions Gallmeister se consacrent à la littérature américaine, choisissant avec soin des auteurs dont la plume et le regard se veulent observateurs du monde américain, devenant ainsi l’unique éditeur français à se spécialiser uniquement en ce domaine.

La littérature américaine est en effet foisonnante et recèle d’écrivains de très grande qualité contribuant à la découverte de ce continent fascinant et complexe de par ses extrêmes et sa diversité.

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Pour la liberté de François Sureau

« Le 31 janvier, 28 mars et 30 mai 2017, j’eus à plaider devant le Conseil Constitutionnel contre trois dispositions sur des lois relatives au terrorisme et à l’état d’urgence. (…) Les trois plaidoiries que vous allez lire s’inspirent d’une idée que je crois juste (…). Le système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n’apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat, en montrant à quel point nos principes étaient fragiles. »

 « Pour la liberté », rassemble trois plaidoiries que François Sureau a prononcées devant le Conseil constitutionnel dans le cadre de ce qu’on appelle en droit des questions prioritaires de constitutionnalité permettant, à l’occasion d’un litige, de contester la conformité de lois en vigueur à la Constitution, et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle la Constitution se réfère dans son préambule.

Un véritable contrôle a posteriori, alors même que les lois sont votées, publiées et mises en application.

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Ces rêves qu’on piétine de Sébastien Spitzer

« Ma fille, je n’en peux plus de me cacher, de dire que j’ai une fille qui ne veut plus de moi. Des années sans un mot. (…) Je suis devenue pauvre de toi, de tout l’amour d’un père. (…) J’ai tenu ma place de père je crois. (…) J’espère que tu redeviendras ma fille un jour. Laisse-moi une petite place. Accorde moi l’image d’un père même à échelle réduite. (…) Tes fondations sont les heures que nous avons passées ensemble à interroger la vie, à balayer la mystique, à gratter les mots, les idées, les grands auteurs. A marcher sans rien dire pour écouter le silence. Je mérite bien d’être ton père, même à échelle réduite… »

Je le dis d’emblée : ce livre est un immense coup de cœur.

Attirée comme un aimant par le titre et la photo, puis son format et son papier, j’ai eu tout de suite envie de le prendre et de le feuilleter. Je le souligne car cela me permet de remercier au passage l’auteur et sa maison d’éditions, un livre réussi étant d’abord, à mon sens, un livre qui donne envie d’être touché, senti, exposé, un peu comme un bel objet ramené chez soi.

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Le Perlimpinpin

Tout récemment, mes enfants m’ont remis en mémoire ces mots savoureux prononcés par Emmanuel Macron lors du débat présidentiel qui l’opposait à Marine Le Pen où, docte et imperturbable, le pouce rejoignant l’index et les trois autres doigts pointés vers l’avant, ce dernier la regarda dans la yeux en lui disant : Madame le Pen, votre programme c’est de la poudre de perlimpinpin !

Cette phrase a tourné en boucle dans des clips remixés, découverts cet été par mes enfants, et comme ils sont encore à un âge où ils se lassent malheureusement difficilement de ce genre de plaisir, j’ai du perlimpinpin plein les oreilles.

A bien y réfléchir cependant, cette expression, à la sonorité rigolote et désuète, est juste incroyable surtout quand elle émane de notre président.

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Les huit montagnes de Paolo Cognetti

« Mon père avait une façon bien à lui d’aller en montagne. Peu versé dans la méditation, tout en acharnement et en bravade. Il montait sans économiser ses forces, toujours dans une course contre quelqu’un ou quelque chose, et quand le sentier tirait en longueur, il coupait par la ligne la plus verticale. Avec lui, il était interdit de s’arrêter, interdit de se plaindre de la faim, de la fatigue ou du froid, mais on pouvait chanter une belle chanson, surtout sous l’orage ou en plein brouillard. »

Dans la suite des billets consacrés aux sorties littéraires de la rentrée dans la section « livres profanes » (j’adore cette expression en vigueur à la Procure), place aujourd’hui au roman du jeune Italien Paolo Cognetti, « Les huit montagnes ».

Déjà publié pour un Carnet de montagne intitulé Le Garçon sauvage et quelques nouvelles, Paolo Cognetti est aujourd’hui encensé par la critique italienne.

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Les Jumeaux Vénitiens de Carlos Goldoni

Totalement enthousiaste est le terme qui me vient spontanément à l’esprit pour décrire mon état à la sortie de la première des Jumeaux Vénitiens, pièce écrite en 1745 par Goldoni et actuellement jouée au Théâtre Herbertot.

Des frères jumeaux, Tonino et Zanetto, séparés à la naissance, se retrouvent fortuitement dans la ville de Vérone à l’âge adulte pour y épouser leurs promises. Autant Tonino, élevé à Venise, est un jeune homme spirituel et raffiné, autant son frère Zanetto, qui a grandi dans une ferme, est un garçon rustre et naïf. De cette ressemblance physique dont tous les personnages sont dupes, vont naitre des imbroglios  et quiproquos en cascade sur fond de mariage arrangé, de bijoux volés, d’argent, de duels à l’épée.

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