Avec ferveur et vergogne
« Sans une solide humilité, il n’est pas possible de conserver une foi bien pure. » Louis Bourdaloue
Lors d’un débat remarquable sur le thème « Chrétien français ou Français chrétien ? » réunissant Fabrice Hadjadj, Don Paul Préaux et Natacha Polony, la question fut posée du sens que chacun donnait à leur vie, dans ce monde, à cette époque et dans ce lieu.
Avec toute la finesse et l’érudition de son esprit qui ne sont plus à démontrer, Natacha Polony a développé longuement son propos en terminant sur ces quelques mots : « bien qu’étant athée, ce qui m’anime profondément chaque jour, c’est la ferveur, en ce qu’elle recouvre l’ardeur, l’enthousiasme, la passion, et la vergogne c’est à dire la pudeur, la retenue. »
Ma nature étant particulièrement sensible aux mots et à l’élocution, j’avoue avoir trouvé sa réponse absolument magnifique. Non pas que celle des autres intervenants fut moins admirable mais disons qu’elle était plus attendue si je puis m’exprimer ainsi, en raison de leur vocation et profession respectives. Il n’en demeure pas moins que Don Paul Préaux en fut lui-même profondément bouleversé, et même s’il n’en exprima pas clairement les raisons, je n’ai pas été sans me demander si il ne fut pas ému par le fait que la ferveur et la vergogne, mises en avant avec tant de douceur et de noblesse par Natacha, étaient au fond ce que tout chrétien devrait conserver en tête de gondole, du moins dans sa vie terrestre et dans ses rapports avec ses congénères.
Un chrétien remplacerait probablement le mot ferveur par celui de Foi ou d’Espérance et celui de vergogne par l’Humilité, mais en pratique, force est de constater que malheureusement, ils sont bien souvent tronqués de cette dimension d’enthousiasme et de pudeur.
J’adore mes amis cathos et loin de moi l’idée de les critiquer mais il suffit de lire les innombrables posts et articles relayés sur les réseaux sociaux sur les moindre faits, décisions, évènements, films, articles ayant peu ou prou un lien avec l’Eglise, pour constater, non sans quelques étonnement pour ne pas dire effarements, combien tout un chacun se positionne en chantre de la vertu, à croire que nul ne manque de charité ou d’amour dans sa propre vie, ni ne chute ni ne manque aux promesses de son baptême.
Heureux celui qui n’a jamais failli !
Heureux celui, devrais-je dire, qui n’a pas eu l’occasion de faillir. Si tel est réellement le cas, que la vergogne anime alors chacune de ses journées de pouvoir continuer ainsi à être éloigné de toute tentation.
Il est toujours bon de fréquenter des personnes d’horizons très divers car de ma petite expérience, le salut provient souvent d’elles. Les vertus vécues naturellement sans mise en avant excessive sont bien plus fécondes que celles revendiquées à coup de convictions matraquées.
Si j’avais été contrainte à l’entre-soi, il est fort probable que j’aurais terminé au fond du gouffre. A titre anecdotique, et sans aucune polémique, j’ai déjà eu l’occasion de dire que je fréquentais régulièrement en semaine une paroisse pour les professionnels de mon quartier et combien j’en retirais une immense joie spirituelle. Mais sur un plan humain, bien que m’y rendant depuis environ 18 mois et y retrouvant pourtant régulièrement les mêmes têtes, je dois reconnaitre que je ne me suis liée avec personne. Je suis généralement pressée, je n’ai certes pas trop le temps de m’attarder, je n’y attache donc pas une importance excessive.
Je n’y attachais aucune importance, la recherche d’amis n’étant pas ce qui m’avait conduite en ces lieux, si ce n’est qu’il y a quinze jours, mon papa était présent à Paris pour garder mes enfants et qu’il m’a rejointe à cette messe avec eux, afin de découvrir cette paroisse que je lui avais tant vantée. Et quel ne fut pas mon étonnement de voir mon « statut » muter d’un coup. A peine assis, une dame est venue nous souhaiter la bienvenue, un monsieur s’est jeté sur mon père pour lui demander s’il accepterait de lire une lecture (tous deux étant des récurrents …) et à la sortie, le prêtre nous a chaleureusement serré la main et s’étonnant presque que j’eusse des enfants …
Chacun en déduira ce qu’il veut, mais ce « statut » je ne le ressens que chez les cathos, pas tous, fort heureusement, mais il n’empêche que chez eux, je me fais souvent figure d’une sorte de grenade dégoupillée qui pourrait modifier leur propre « statut » par effet miroir.
Très étrange comme sensation dont j’ai fait largement mon deuil, mais par pitié, réapprenons à respirer largement, à sourire jusqu’aux oreilles et à mettre davantage de fantaisie dans nos vies.
Les jugements à l’emporte-pièce sur tout ce qui dérange, interpelle, blesse sont des armes mortelles dont les effets sont bien pires que les bonnes intentions qui les motivent. Toutes les âmes blessées que je fréquente, côtoie, rencontre, écoute, sont de facto à l’école de la vergogne quand elles tentent de rester bon an mal an dans l’Eglise et leur croix, elles la connaissent et la portent.
Alors oui Natacha, je suis émue à vous entendre parler de ferveur et de vergogne.
A regarder trop souvent sur les côtés, on en oublierait de regarder l’Essentiel et de se tendre la main spontanément avec joie.
Oui, le choix des mots est important. Souvent un propos vite dit use de mots incorrects, voire contraires à la pensée de l’auteur.
En revanche un mot bien choisi est en soi une source de méditation.