L’éveil de Mademoiselle Prim de Natalia Sanmartin Fenollera

« Il y a des personnes qui un beau jour prennent conscience qu’il leur manque la pièce principale d’un puzzle qu’elles ne peuvent terminer. Elles sentent juste que quelque chose ne fonctionne pas ou qu’absolument rien ne fonctionne, jusqu’à ce qu’elles découvrent ou, plus exactement, jusqu’à ce qu’on leur permette de découvrir la pièce qui manque. »

Nous vivons au sein d’une époque où les ressorts de la pensée sont si malmenés par les injonctions sociétales qui agitent le goupillon de la culpabilité dès lors que nous avons l’heur de ne pas être en mode « ravi de la crèche », où même notre église semble bien souvent déroutante de conformisme et de tiédeur, où les mots sont galvaudés et perdent leur sens, qu’il est aisé de se sentir totalement désorientés.

Pour ma part, je le suis fréquemment, au point même de me demander parfois si je ne me suis pas fourvoyée sur l’ensemble de mes convictions, de mes valeurs, si ce qui peut me faire vibrer ou m’exalter ne serait pas suranné, si ce que j’aimerais défendre pour un monde que j’estime plus juste, plus humain, ne serait pas une vue de l’esprit, si l’amour de notre histoire, de notre pays ne serait pas une façon de fuir le réel. Anesthésie de la pensée, nuit de la raison, conscience atrophiée, autant de maux qui nous affligent parfois et laissent un vide abyssal.

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Le moine et la comtesse

Dom Guéranger – Madame Swetchine – Correspondance (1833-1854)

« Il faut avouer que c’est un grand bonheur que d’être chrétien !  Ainsi nous partons pour aller à Dieu et notre départ, tout en désolant nos vrais amis parce qu’ils seront longtemps sans nous voir, notre départ ne brise point leur cœur. C’est un adieu, mais un adieu jusqu’au revoir. (…) Je demande à notre Seigneur de me rendre meilleur afin d’être moins indigne d’être exaucé quand je prie pour vous. »

Dom Guéranger

« Que je vous dise combien j’aime vos lettres, leur naturel, leur abandon, leur mouvement qui vient de l’âme, et qui met si bien même l’esprit que vous avez à sa véritable place qui est la seconde, et cette douce chaleur si pleine de vie et dont la source est si évidente. Vos lettres me font un vrai, un sensible plaisir, celui d’être comprise, répondue avant d’avoir parlé, et de trouver dans leur accent, dans l’impression d’un autre, cet unisson que je préfère à toutes les merveilles composées de l’harmonie. »

Comtesse Swetchine

Au début de l’année 1833, l’abbé Guéranger, alors âgé de 28 ans, s’installe à Solesmes avec une poignée de candidats dans l’espoir de restaurer l’abbaye et rétablir l’ordre religieux des bénédictins en France. Très rapidement, les besoins pécuniaires se faisant ressentir, l’abbé Guéranger se rend à Paris pour tenter d’obtenir quelques dons et profite de cette occasion pour se faire introduire dans le salon de la Comtesse Swetchine réputé pour y recevoir l’élite intellectuelle et spirituelle de l’époque.

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Lettres à un jeune homme de Max Jacob

1941-1944

« Oui ! Le culte de la Beauté amène à Dieu quand celui qui cultive raisonne l’esthétique. L’idéal absolu est Dieu lui-même. Je crois que le culte du vrai et du Bien a le même résultat : le tout est de voir au-dessus de la vie quotidienne, et tu as raison là-dessus mais ne spécialise pas le Beau. Le Beau est aussi bien une bonne œuvre charitable, un mot sorti de l’âme même, quand cette âme est belle, un geste spontané généreux. La grande affaire est la charité, laquelle est un mélange de compréhension et d’amour. Dans ce sens tout est beauté qui vient de la charité. »

La Princesse Swetchine écrivait à l’Abbé Guéranger en 1833 cette phrase que je trouve magnifique : « Bien des gens aiment mon cœur, mais personne, personne plus n’aime mon âme, et que je fasse une chute ou un progrès, je n’ai plus une conscience qui s’identifie à ma conscience, qui fasse de mon repos son repos et une partie de sa félicité future, de celle qu’elle me prépare. »

En refermant ces livres de correspondances, la première chose qui me vient à l’esprit est de souhaiter à chacun de pouvoir nourrir et entretenir de tels échanges avec des êtres qui vous portent. Ces relations épistolaires, qui ont malheureusement moins cours aujourd’hui sauf peut-être entre amoureux des mots et du papier, portent en elles une universalité qui dépasse la relation qui les a fait naître.

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Tant pis pour l’amour de Sophie Lambda

Ou comment j’ai survécu à un manipulateur

Il était une fois,

Un homme et une femme qui se rencontrèrent, s’aimèrent, se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.

Telle est la fin des contes de fée dont personne ne s’est jamais risqué à en écrire la suite, tant il est loisible de croire, avec un peu de recul, que la réalité rattrapant la fiction, elle pourrait laisser un goût un peu moins merveilleux dans le cœur des petites filles qui ont cette aptitude à laisser leur imagination vagabonder.

Ce serait cependant faire preuve de peu de maturité affective que de laisser penser que le conte de fée d’un couple ne serait possible qu’exempt de toutes épreuves et difficultés et je veux croire que le merveilleux réside justement dans cette capacité à tenir envers et contre tout, en se tenant solidement arrimés à la barre de cette frêle embarcation que deux pauvres êtres ont choisie pour mener leur route ensemble.

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