Lettres à un jeune homme de Max Jacob

1941-1944

« Oui ! Le culte de la Beauté amène à Dieu quand celui qui cultive raisonne l’esthétique. L’idéal absolu est Dieu lui-même. Je crois que le culte du vrai et du Bien a le même résultat : le tout est de voir au-dessus de la vie quotidienne, et tu as raison là-dessus mais ne spécialise pas le Beau. Le Beau est aussi bien une bonne œuvre charitable, un mot sorti de l’âme même, quand cette âme est belle, un geste spontané généreux. La grande affaire est la charité, laquelle est un mélange de compréhension et d’amour. Dans ce sens tout est beauté qui vient de la charité. »

La Princesse Swetchine écrivait à l’Abbé Guéranger en 1833 cette phrase que je trouve magnifique : « Bien des gens aiment mon cœur, mais personne, personne plus n’aime mon âme, et que je fasse une chute ou un progrès, je n’ai plus une conscience qui s’identifie à ma conscience, qui fasse de mon repos son repos et une partie de sa félicité future, de celle qu’elle me prépare. »

En refermant ces livres de correspondances, la première chose qui me vient à l’esprit est de souhaiter à chacun de pouvoir nourrir et entretenir de tels échanges avec des êtres qui vous portent. Ces relations épistolaires, qui ont malheureusement moins cours aujourd’hui sauf peut-être entre amoureux des mots et du papier, portent en elles une universalité qui dépasse la relation qui les a fait naître.

Aucune existence sur terre n’est parfaite, et il y aurait erreur à vouloir sacraliser tous les faits, gestes et pensées des auteurs qui nous touchent voire même des saints que nous voulons prendre comme modèles. Une vie ne peut être exemplaire en tout acte ou toute parole, si ce n’est dans son orientation réitérée et totale vers Celui qui nous appelle à l’Aimer.

Je ne connais pas suffisamment l’œuvre et la vie de Max Jacob pour vous en parler de façon ajustée. En revanche, de son parcours tel qu’il est porté à la connaissance du grand public, et de la lecture de ce recueil, je retiens une âme façonnée, tendre, généreuse, artistique, mystique et concrète, en proie à ses luttes internes et qui pouvait dire « la société est un exercice de tentations et de charité ».

Max Jacob entretenait une nombreuse correspondance, et de sa demeure à Benoît-sur-Loire où il se retira en 1936, il nourrit un échange très profond avec un jeune étudiant du nom de Jean-Jacques Mazure qui dépassa très vite les simples conseils de poète à artiste. La mort de Max Jacob à Dachau en 1944 ne leur permit pas de se rencontrer de leur vivant mais il nous reste une cinquantaine de lettres sauvées miraculeusement d’un incendie que Jean-Jacques Mazure consentit à laisser publier.

Ce livre n’est pas sans me laisser penser à celui de Rainer Maria Rilke « Lettres à un jeune poète » et les passionnés de beaux écrits dont je fais inconditionnellement partie ne pourront qu’être infiniment touchés par ces mots qui jaillissent spontanément d’une amitié vraie qui nourrit la vie intérieure.

« Embrassons-nous dans le Seigneur », finissait-il ses lettres. Dans l’une d’elle, Max Jacob écrira cette phrase savoureuse « croyez bien que je vous aime et que je suis enchanté que vous soyez mon prochain. Pourquoi les autres « prochains » ne vous ressemblent-ils pas tous ».

Max Jacob témoigne de cette torsion intérieure que subissent les âmes élevées qui souffrent en se heurtant à la réalité de l’humanité, et qui cherchent dans le repli ou l’exposition, la création ou le sacerdoce, une paix qui lui fera également écrire : « La religion n’est pas le luxe des gens heureux, c’est le soutien des martyrs. »

Max Jacob (1876-1944) est un poète moderniste, un romancier et un peintre français. Il se convertira au catholicisme en 1915 et laissera derrière lui une œuvre abondante.

3 réponses
  1. Anonymous
    Anonymous dit :

    Magnifique. On peut aimer une œuvre sans tout connaître de son auteur. Et en faire un billet «  ajusté » sublime. Bravo. Elvire réussit son retour.

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