Un prince d’Emmanuel Godo

« (…) comment définir cette place que vous avez crue, vous l’auriez juré, vacante, dans ce théâtre qu’est la vie, dans cet espace à mi-chemin de votre vie intérieure et du monde tel qu’il est, de ce qu’on nomme le réel, comme si l’autre côté ne l’était pas, cette place que des inconnus viennent occuper et qui désormais auront leur visage, quelle que soit la relation qui s’instaurera avec eux, qu’on leur parle ou non, qu’ils deviennent, de façon effective, je veux dire effective au regard des lois du monde, au regard des relations qu’on est sommé d’y entretenir pour qu’on puisse dire de celui-ci qu’on le connaît, que l’on est un de ses proches (…)  »

Cher Monsieur,

Votre livre démarre par une lettre de Jean-Pierre Lemaire dans laquelle il vous fait part de sa gratitude pour ce texte qui, bien que l’ayant surpris de prime abord par l’unique phrase qui le compose, l’a enchanté, n’hésitant pas à comparer votre Prince à celui de Dostoïevski, la fiction laissant la place à la poésie de charité, et souhaite qu’il rencontre le public qu’il mérite, j’ai trouvé le procédé délicieux, imaginant la joie que doit ressentir un écrivain à recevoir un tel courrier, et modestement je m’essaie au même exercice, car c’est ainsi que je souhaite parler de votre livre, porté à ma connaissance par un Lire la suite

La partition intérieure de Réginald Gaillard

« Pourquoi nous faut-il endurer la trivialité et l’ennui du quotidien alors que, je le sais, je le sais parce que je le sens, vous suivre ne saurait être se conformer à ce banal enchaînement d’habitudes du corps, autant que de la parole, vite usées par le temps des hommes. Faire chair avec le temps du Christ, qui n’a ni passé ni futur, qui n’est que présent ou infini, ce qui est peut-être la même chose, n’advient que le temps d’une fulgurance poétique ou mystique, brefs instants de lucidité où tout semble simple et possible. (…) Ils ne mesuraient pas la légèreté ou l’insouciance qui les plaçaient, à leur insu, dans un esprit mortifère. Peut-être est-ce cela la vraie mort : lorsque l’esprit n’est plus vigilant. »

Les critiques sur ce livre, avant même sa sortie, ont été si dithyrambiques, qu’il me semble difficile aujourd’hui de pouvoir rajouter ma pierre à l’édifice.

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L’art de perdre d’Alice Zeniter

« Si on pouvait le regarder au travers de ses paroles, on distinguerait deux silences, qui correspondent aux deux guerres qu’il a traversées. La première, celle de 39-45, il en est ressorti en héros et alors son silence n’a fait que souligner sa bravoure et l’ampleur de ce qu’il avait eu à supporter. On pouvait parler de son silence avec respect, comme d’une pudeur de guerrier. Mais la seconde, celle d’Algérie, il en est ressorti traître et du coup son silence n’a fait que souligner sa bassesse et on a eu l’impression que la honte l’avait privé de mots. »

 Ma chère Elvire,

Nos longues discussions, qu’elles soient orales ou épistolaires, ont durablement transformé ma façon de voir le monde qui m’entoure, et il n’est pas rare que ce qui m’indifférait auparavant suscite désormais mon intérêt.

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L’héritage de Benoit XVI de Christophe Dickès

« Aucun personnage public dans l’ère moderne n’a souffert d’une disjonction plus dramatique entre son image publique et la réalité de sa personnalité. (…) Tant humainement qu’intellectuellement, il avait cette double capacité à rafraichir la raison et à réchauffer le cœur de son interlocuteur. (…) Benoit XVI a joué la partition de l’intelligence de la foi, (…) en nous expliquant la foi, l’espérance et la charité dans la tradition des grands docteurs de l’Eglise. (…) Mais son premier héritage, est celui de la renonciation et surtout de la « création » au sens propre d’une nouvelle charge dans l’Eglise, celle de pape émérite. »

 Le passage presque éclair de Benoit XVI au ministère pétrinien (2005-2013) m’a laissé peu de traces car il est intervenu à une période de ma vie que je pourrais qualifier de désert spirituel, à tout le moins à une époque où certains évènements personnels m’ont rendue imperméable à toute question théologique. Je le suivais et écoutais à distance, mais ne m’en imprégnais pas, et ce que je savais de Benoit XVI relevait davantage de discussions familiales que d’une prise de possession intérieure de ses écrits.

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