La conversion de Don Juan de Fabrice Hadjadj

« Dona Elvire : Vous avez voulu lui jeter son passé à la figure. Vous l’avez forcé à regarder en arrière. Ne fallait-il pas laisser les morts ensevelir les morts ? Non, vous l’avez contraint, lui, le vivant, à exhumer son cadavre. Si l’on vous faisait voir, à vous, dans un éclair, tous vos péchés passés, ne seriez-vous pas comme lui foudroyé ? Si je venais à vous comme ça, collant contre vous un corps où sont encore les égratignures de vos ongles, approchant une bouche que le goût de votre vice n’a pas fini d’imprégner, ne reculeriez-vous pas d’effroi ? Ne commettriez-vous pas cet acte désespéré ? (…)Les exercices spirituels, rien à voir avec quelqu’un qui touche vraiment ses fautes, qui en mange la putréfaction, qui en éprouve l’horreur infinie, capable de le faire mourir. (…) Vous l’avez placé haut, plus haut qu’il ne le voulait, qu’il ne le pouvait, parce que cette élévation n’était pas la sienne mais la vôtre (…) et vous êtes à présent comme le père qui en veut à son enfant de n’avoir pas réalisé son idéal. »

Ecrite dix ans après sa propre conversion, cette pièce de Fabrice Hadjadj n’est cependant publiée qu’en 2019 aux éditions Ad Solem, à l’occasion de sa première au Théâtre Auguste le 4 octobre dernier.

Dans une mise en scène épurée, que l’on doit à son épouse Siffreine Michel, portée par une interprétation habitée et talentueuse de ses (anciens ?) élèves de Philanthropos, cette pièce en trois actes de plus de deux heures interpelle finement le spectateur sur les thèmes de la miséricorde, de la vertu, de la foi et de la rédemption.  

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Gazette culturelle de février

Gazette culturelle de février

Que lire, que voir, qu’écouter en février, quand le temps est gris, froid et que la neige, qui n’est poétique qu’en vers, est l’occasion de vous retrouver les quatre fers en l’air sur des trottoirs glissants ? Là tout de suite j’entends déjà les noooon, c’est super chouette la neige, les bonhommes de neige, la blancheur … oui au ski peut-être avec les bonnes chaussures, le manteau qui tient chaud … etc etc … et encore … Dans la vraie vie de tous les jours, avec de la neige sur les trottoirs, vous marchez à petits pas de chinois, la tête baissée pour éviter de vous péter la figure, le bras en l’air avec un parapluie pour tenter de limiter l’afflux de flocons qui se glissent dans, sous, à travers votre écharpe et vous faites des « oups » à intervalles réguliers quand votre pied dérape et que vous vous rattrapez de justesse (ou pas).

Vous cherchez désespérément des paires de bottes pour vos gamins au fin fond de l’armoire, celles que vous gardez « au cas où… », pour finir par vous apercevoir avec désespoir qu’elles sont trop petites de deux pointures mais que leurs chaussures sont tellement trempées qu’il n’y a pas d’autre solution que de leur enfiler de force au chausse-pied en recroquevillant les orteils. Les gants qui gisent dans un panier de l’entrée ont la même manie curieuse et exaspérante que leurs copines les chaussettes, ils finissent toujours en exemplaire unique et vous retournez ciel et terre pour retrouver le jumeau ou la jumelle en maugréant. Que vous viviez dans une maison de 200 m² ou un petit appartement où les coins pour se cacher restent limités, il demeure un grand mystère que celui de ces gants et chaussettes qui n’ont de cesse de vouloir vivre seuls alors qu’ils n’échappent à la poubelle que lorsqu’ils restent unis. Parabole ?

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Les Jumeaux Vénitiens de Carlos Goldoni

Totalement enthousiaste est le terme qui me vient spontanément à l’esprit pour décrire mon état à la sortie de la première des Jumeaux Vénitiens, pièce écrite en 1745 par Goldoni et actuellement jouée au Théâtre Herbertot.

Des frères jumeaux, Tonino et Zanetto, séparés à la naissance, se retrouvent fortuitement dans la ville de Vérone à l’âge adulte pour y épouser leurs promises. Autant Tonino, élevé à Venise, est un jeune homme spirituel et raffiné, autant son frère Zanetto, qui a grandi dans une ferme, est un garçon rustre et naïf. De cette ressemblance physique dont tous les personnages sont dupes, vont naitre des imbroglios  et quiproquos en cascade sur fond de mariage arrangé, de bijoux volés, d’argent, de duels à l’épée.

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Paris sous la pluie

« Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma gauche, et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à l’encrier, et jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème. » Paul Claudel

Pour un mois d’août, le temps est particulièrement exécrable. Il pleut, le ciel est gris, et lorsque le soir tombe les températures chutent lourdement. Un temps à rester enfermée, ce qui n’est pas fait pour me déplaire à dire le vrai, mais un peu tristoune dans une période où une activité professionnelle quasiment en berne devrait permettre de flâner davantage dans les rues Paris sans parapluie.

Alors que fais-je à Paris sous la pluie quand elle s’est vidée non seulement de ses habitants mais également de quasiment presque tous mes amis ?

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Edmond d’Alexis Michalik

S’il y a une pièce à aller voir au théâtre en ce moment, c’est Edmond d’Alexis Michalik qui se joue actuellement au mythique théâtre du Palais-Royal.

Une pure merveille nominée sept fois aux Molières en 2017 retraçant la difficile création de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand et sa première triomphale en décembre 1897 au théâtre de la Porte Saint Martin.

Douze comédiens se partagent les nombreux rôles, les scènes s’enchainent dans un rythme trépidant, les répliques sont superbement écrites, les personnages finement ciselés, les décors soignés, et l’humour cède le pas à l’émotion, le rire aux larmes quand se dévoilent petit à petit les vers d’une des plus belles pièces du répertoire français.

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Marie-Antoinette – Correspondances privées

Interpréter Marie-Antoinette pendant plus d’une heure et quart seule en scène est une véritable gageure, d’autant que le sujet pourrait ne rallier qu’un public averti.

Il faut reconnaître cependant que le pari est brillamment réussi.

Tiré de la correspondance privée de Marie-Antoinette réunie dans l’ouvrage d’Evelyne Lever (édité chez Tallandier en 2005) et mis en scène par Sally Micaleff, le spectacle devient une véritable performance théâtrale grâce au talent de Fabienne Périneau.

Uniquement composé de lettres écrites par Marie-Antoinette elle-même, le récit, porté par un décor épuré qui s’efface au profit de la sublime et solaire Fabienne Périneau, nous fait entrer dans l’intimité de Marie-Antoinette à travers un texte chronologique balayant sa vie depuis son mariage (1770 – elle avait 15 ans) jusqu’à sa mort, le 16 octobre 1793.

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Un air de famille

Qui se souvient du film culte Un air de famille, réalisé par Cédric Klapisch en 1996, ne pourra qu’éprouver un immense plaisir à retrouver cette pièce qui se joue actuellement au Théâtre de la Porte Saint Martin.

Pour mémoire, ce film était inspiré de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, deuxième pièce du couple d’auteurs après Cuisine et dépendances , pièces qui non seulement ont connu un immense succès populaire au début des années 90 mais ont obtenu chacune le Molière du meilleur spectacle comique (respectivement en 1992 et 1995).

Cuisine et dépendances a également fait l’objet d’un film réalisé en 1992 par Philippe Muyl.

Ces deux pièces, remises en scène par Agnès Jaoui, s’alternent en ce moment au Théâtre pour notre plus grand bonheur.

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Acting de Xavier Durringer

Ceux qui suivent mes petites critiques artistiques depuis un moment, savent que je suis une grande amoureuse du théâtre.

Il y a pour moi dans le théâtre l’expression d’une quintessence du génie humain, qui transcende les comédiens eux-mêmes, et porte spectateurs et acteurs, le temps d’une pièce, dans une forme de communion qui tire vers le haut.

C’est le propre des grands comédiens que de créer cette magie lors de leur entrée sur scène, où à peine les lumières éteintes, le public est comme suspendu aux mots déclamés. Le théâtre ne permet ni triche, ni masque, l’instant existe dans sa vérité crue et un lien unique se crée chaque soir entre les artistes et la salle.

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Le Cirque d’hiver Bouglione

Situé en plein cœur du 11ème arrondissement, le Cirque d’hiver Bouglione voit le jour en 1852 sous la férule de l’architecte Jacques Hirtoff (à qui l’on doit notamment la gare du Nord), grâce au Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III.

Autrefois appelé cirque Napoléon, il devient Cirque d’hiver en 1873 puis Cirque d’hiver Bouglione depuis son rachat par la famille Bouglione en 1934.

Inscrit aux Monuments Historiques depuis 1975, c’est le plus vieux cirque du monde qui se démarque de tous les cirques dits « en dur » de par sa forme polygonale de 20 côtés, ses 42 m de diamètre et ses 40 fenêtres.

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Un pedigree de P. Modiano

Si vous aimez l’œuvre littéraire de Patrick Modiano et l’acteur Edouard Baer, alors cette représentation est pour vous.

On y découvre le talentueux Edouard Baer, seul en scène, dans un rôle inhabituel, grave et empli d’émotions, où sa voix si chaude et particulière se met au service du récit autobiographique de P. Modiano, « Un Pedigree ».

Le public est acquis pendant cette petite heure de monologue tout en finesse et pudeur, où l’acteur sait brillamment s’effacer au profit de ce court texte extrêmement touchant.

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