Je voudrais des tomates…

Il est tellement usuel de se  faire interpeller pour une cigarette, une petite pièce ou un ticket restaurant que lorsqu’hier au soir, en m’apprêtant à entrer au monoprix pour acheter des cadeaux pour des anniversaires auxquels étaient conviés mes trolls ce week-end, un monsieur avec son petit chien faisant traditionnellement la manche dans mon quartier me demande si je peux lui acheter des tomates, je l’ai fait répéter trois fois.

Pensant qu’il avait faim, et la demande de tomates me semblant totalement incongrue, je lui pris un gros sandwich et un dessert disponibles près de l’entrée, mon choix étant, il faut bien l’avouer, dicté surtout par le fait qu’ils se situaient au même niveau de caisses que les quelques bricoles que j’étais venue acheter et que j’étais un peu pressée, lasse également de cette longue journée qui n’en pouvait plus de durer.

Revêtue de la joie (ou de la bonne conscience) du devoir accompli, je remis le sac à ma fille qui s’empressa de le lui remettre en sortant, moi-même commençant à porter mes pas en direction de la salle de sport où mon fils s’échine le mardi soir, de peur d’arriver en retard.

En me retournant afin de m’assurer que ma princesse me suivait, je constatais immédiatement que le monsieur restait tout désappointé.

Interloquée et piquée par une pointe de culpabilité, je revins donc sur mes pas pour échanger trois mots avec lui et il m’avoua en bafouillant, tout gêné, que des sandwichs on lui en donnait régulièrement mais des tomates jamais, et qu’il adorait les tomates.

Affreusement gênée à mon tour de ne pas avoir entendu sa demande toute simple, et prise d’une montée de larmes irrépressibles devant mon manque de considération, je me précipitais cette fois directement chez le primeur en face pour lui prendre les fameuses tomates tant rêvées. Ma fille en profita pour lui prendre des framboises, nous emballâmes le tout à nouveau dans un sac, et nous voilà retraversant la chaussée pour lui remettre lesdites tomates.

Son visage en fut transfiguré de bonheur.

Nous courûmes pour récupérer mon fils, nous refîmes  le chemin en sens inverse pour rentrer à la maison, et nous voilà tombant nez à nez avec un des SDF préféré de mon fils dont la charité naturelle est pour moi exemplaire, tant il ne se laisse rebuter ni par la saleté ni par le caractère parfois aviné de certains selon les moments, et celui-ci en particulier tient toujours à lui serrer la main. Échange de bons procédés, mon fils me fait régulièrement vider mon porte-monnaie et ce monsieur l’attend parfois le matin en allant à l’école avec des jouets qu’il déniche je ne sais où.

L’argent de poche, mes enfants en ont peu, mais ils en ont d’autant moins qu’ils vident spontanément leur tirelire entre les mains de ceux qui les tendent dans les rues qui nous sont familières.

Au bout de 10 min de discussion, nous repartîmes enfin (il était quasiment 20h30) quand le monsieur du monoprix nous héla à grands cris et à grand renfort de gestes pour nous remercier des tomates.

Ma fille s’empressa de raconter l’épisode à son frère qui me regarda alors avec ses grands yeux tout ronds bordés par ses longs cils à croquer : ca c’est vraiment gentil maman mais pourquoi tu ne lui as pas acheté des tomates quand il t’a demandé des tomates ?

Vaste question à laquelle je cherche encore la réponse …

 

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