Genèse de ton absence d’Annie Wellens

« Si ton cœur a cessé de battre, le nôtre galope un peu plus vite en cette soirée où, au fil des heures, nos paroles te concernant vont prendre leur essor (…). L’ampleur de ton absence agrandit l’horizon de nos échanges qui s’arrêteront cependant au seuil de nos demeures secrètes, là où tu résides, comme époux ou comme père. La nuit est déjà bien avancée quand j’embarque, pour la première fois sans toi, à bord du lit bateau de notre chambre. ( …) Le bouleversement du paysage extérieur causé par la mort de ton arbre reflue sur mon dépaysement intérieur engendré par la tienne. »

Rencontré quand elle était encore étudiante, Annie Wellens fut la femme de Serge Wellens, poète connu et reconnu, décédé en 2010. Cinq ans plus tard, dans un court récit, elle revient sur la semaine qui a précédé sa mort, la Genèse de son absence, son enterrement, l’Exode, et sa vie sans lui, la Terre Promise.

Loin d’être larmoyant et triste, ce récit est bien au contraire tout en retenue, pudique, et entremêle merveilleusement la réalité d’un présent peuplé de souvenirs communs.

Toute la beauté de l’ouvrage réside à mes yeux dans ce quotidien peuplé de petits riens qui mis bout à bout, relus et revisités à l’aune de la tendresse et du temps qui passe, recèle toute la richesse d’une vie partagée et construite à deux.

Un arbre contemplé chaque jour à travers la fenêtre, des étagères de livres dûment réparties entre les époux, des permissions de se visiter dans leur bureau respectif ou de s’emprunter des ouvrages, des dîners sur des tables pliantes devant la cheminée, des disputes et des réconciliations, des poèmes dédiés, des livres qui s’empilent sur les marches de l’escalier, un fils Antoine, des voyages, des retrouvailles, des amis, des dîners, des bouteilles ouvertes, des agacements dont on peut rire, des jeux de mots compris d’eux seuls, des habitudes, porter les pulls de l’autre.

Etre là, quand les jours s’égrènent et se comptent, jusqu’au dernier souffle.

Poursuivre sa vie quand « dans l’ordinaire de mes jours, je n’ai plus d’autre signe de toi que celui de ton absence déclinée sur tous les modes ».

Cheminer vers des retrouvailles qui ne seront « ni la continuité ni la répétition de notre vie commune, mais son dévoilement définitif ».

Annie Wellens a été libraire à la Rochelle, où elle a dirigé la librairie de Puits de Jacob de 1980 à 2007. Connue pour ses chroniques dans la Croix ou ses collaborations à Christus, elle a publié notamment chez DDB L’ordinaire des jours et Le vin des Ecritures, chez Bayard Qui a peur de la Bible ? et au Cerf La lecture ou la louange des abeilles. Vient de paraître Les Pères de l’Eglise dans tous leurs états chez Lessiu.

1 réponse
  1. Gustave
    Gustave dit :

    Quel magnifique récit d’une toute aussi magnifique histoire d’amour…
    Quand en plus le quotidien peut être merveilleux émaillé de toutes ces petites choses banales et néanmoins uniques…
    Très émouvant ce billet

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