Célébration du Quotidien de Colette Nys-Mazure
« L’art d’exister en harmonie avec soi-même.
Ce plaisir intime d’être avec soi-même suppose un minimum de confiance, de foi en soi. Des circonstances favorables à la découverte d’un territoire, d’un jardin privé, d’un for intérieur. (…) Etre à soi-même une présence amie. Cultiver un espace où se rassembler afin de donner sans retour sur soi, sans éprouver l’impression d’être vidée, épuisée. Femme suffisamment fortes et apaisées pour ne pas se laisser détériorer. Cette clôture de l’intérieur de laquelle on laisse entrer personne ni rien qui abime et racornisse. Etre une présence, une présence réelle, un vrai silence qui écoute plutôt qu’un miroir qui reflète ou un abîme qui engloutit. »
Apprendre à célébrer le Quotidien est le meilleur exercice de mise en application de la liberté intérieure.
Harmoniser sa vocation profonde avec la vie qui est la nôtre, ici et maintenant, en cessant de se perdre dans de vains combats contre soi et les conditions extérieures de son existence, est la voie royale d’une sérénité et d’une prise de conscience que tout se joue dans les petites comme dans les grandes choses qui s’imposent à nous et que nous ne pouvons toujours contrôler ou éviter.
Ressentir de façon extraordinaire ce qui semble ordinaire, rendre merveilleux ce qui paraître ennuyeux.
Colette Nys-Mazure ne nous fournit pas de recettes miracles dans sa Célébration du Quotidien, ni de guide du bonheur ou de mantras à répéter. Elle nous livre le regard d’une femme qui a vécu, souffert, a donné la vie, a répété jour après jour les gestes du quotidien – cuisiner, laver, ranger, accompagner, écouter – a écrit, lu, travaillé, voyagé, a vu ses enfants grandir puis accueilli ses petits-enfants, qui a accompagné son amie Elisabeth, à qui elle dédie ce livre, jusqu’à son dernier souffle.
Et de tous ces instants rassemblés qui forment une vie, sa vie, surgit un souffle de noblesse nourri par une densité intérieure qui transfigure ce qui pourrait sembler monotone ou terne.
Je crois profondément à cette Célébration du Quotidien dès lors que nous prenons conscience que quelque chose de plus grand se joue dans nos gestes les plus intimes, les plus récurrents, et que nous arrivons à vivre ce Quotidien en accord avec notre vocation profonde, ce qui nous anime, ce qui est essentiel pour nous.
Faire abstraction de ces deux pans me semble conduire à ce que tant de femmes, pour ne parler que d’elles, se sentent écartelées, au risque de s’oublier et de s’user, dans un quotidien, familial et/ou professionnel, qui submerge et peut paraître parfois si ingrat.
La beauté est étrangère à la richesse ou à la pauvreté. Elle fleurit là où se regard se pose, là où son âme tressaille, là où son cœur vibre. Elle ne retirera pas les peines, les tristesses, les épreuves, mais elle permet de trouver que malgré tout la vie mérite d’être vécue, et intensément.
Ce havre vers lequel se tourner, se ressourcer, se sentir chez soi, vit en nous et rejaillit dans nos gestes, nos choix, nos paroles, nos regards.
Il est donc essentiel pour apprendre à célébrer le Quotidien d’être à l’écoute de sa voix intérieure et de l’enrichir pour que la variété des possibles qu’elle propose puisse trouver écho et être féconde dans cette vie qui est la nôtre.
Harmonie et équilibre ô combien difficiles à trouver et précaires à conserver, car tant de facteurs peuvent venir faire osciller ce qui semblait établi et chèrement conquis, et il faut accepter que ce qui est valable pour les uns ne l’est pas du tout pour d’autres.
Colette Nys- Mazure rend souvent hommage à la nature, l’arbre de son jardin, les fleurs, la pluie qui tombe, la vue depuis sa fenêtre quand elle ouvre les volets le matin, les oiseaux qui sifflent …
Je dois avouer pour ma part que tout ceci ne contribue pas du tout à mon équilibre intérieur et que j’éprouve davantage de plénitude à l’aube à passer devant le kiosque à journaux qui relève à peine sa grille, à saluer de la main le serveur du café qui installe ses tables sur le trottoir, à regarder les gens s’affairer autour de moi, voir les enfants jaillir de partout en trottinettes pour rejoindre l’école, à sentir la ville qui s’éveille …
Mais peu importe au fond, car ce qui compte c’est que son Quotidien, celui dans lequel on vit, évolue, se meut, reste une source intarissable de joie et d’émerveillement, non dans ce qu’il a de plus trivial, mais en ce qu’il en porte en lui une source infinie de fécondité.
Sans hâte et sans nonchalance, susciter les fleurs de l’imaginaire pour en faire présent, à un présent qui deviendra un éternel présent.
Colette Nys-Mazure, écrivain belge de langue française, est née en 1939. Philologue de formation, professeur de lettres, conférencière, elle anime des ateliers de lecture et écriture, collabore à différents journaux et revues.
Primée à de nombreuses reprises, elle est tout à la fois poète, nouvelliste, romancière et essayiste. Elle écrit aussi pour le théâtre et la jeunesse.
Je confirme que ce que tu dis est vrai et te ressemble. Ton quotidien tu le cultives aussi.