L’or du chemin de Pauline de Préval
« Sais-tu qu’il existe un démon plus pernicieux que celui du mal : le démon du bien, qui s’en prend particulièrement aux êtres généreux et talentueux comme toi et les fait pêcher par orgueil ? On peut vouloir rendre les hommes meilleurs, mais le résultat ne nous appartient pas. Et on ne peut pas prétendre transfigurer le monde si on ne s’est pas laissé soi-même transfigurer. (…) Alors, pars, souffre, tu reviendras, car tu es un peintre-né. Mais il faut d’abord que tu laisses faire la main du Maître. (…) Tu auras compris ce que je pense de cet espace soumis aux lois de la perspective que tu vantes comme l’invention suprême : il ne vaut que dans la mesure où on est capable de le faire éclater. De même que le monde est plus que ce qu’on perçoit de notre œil, et notre vie ne vaut que par ce qui la dépasse. L’essentiel, qui est la présence réelle cachée en toutes choses, est infigurable géométriquement.»
Pauline, ce fut d’abord une main apposée sur un manuscrit en relecture dont certains n’ont pas manqué de souligner à juste titre qu’elle aurait pu inspirer Rodin, puis une chevelure or flamboyante sur un visage de profil au moment des dédicaces des exemplaires envoyés en service presse.
J’ose le dire, ces deux photos m’ont fascinée car aussi simples qu’elles puissent être, prises sur le vif ai-je eu l’impression, sans posture ni volonté a priori de poser de la part de leur sujet, elles renvoyaient de Pauline quelques chose d’à la fois évanescent et lumineux qui attire spontanément, corroboré par un patronyme digne d’une héroïne de roman.
Je prospecte toujours un peu avant de lire des nouveautés, je lis le parcours des auteurs, leur bibliographie, et quelques amis en commun ont suffi pour faire pencher ma première curiosité en envie de découverte concrète.
Je n’ai pas rencontré Pauline mais je l’ai d’abord « acquise » avec Une saison au Thoronet qui attend sagement sur la liste des livres à terminer puis L’or du chemin qui vient tout juste de paraitre. J’en étais déjà aux trois quarts quand une amie est venue me porter cette semaine un autre exemplaire dédicacé de sa jolie plume (et oui, en plus elle a une jolie écriture …). J’ai subtilisé l’un à l’autre pour que celui à conserver prenne place dans ma chaumière et s’imprègne des odeurs qui accompagnent les lectures (café, cigarette, parfum …) et je l’ai terminé.
Ma première impression est une envie furieuse de prendre un billet d’avion et d’aller en Italie sur les pas de Giotto, Starnina, Masaccio, Brunelleschi, Ghiberti et tant d’autres afin de contempler toutes ces fresques, chapelles, monastères ou musées qui conservent toutes ces œuvres intégrant ce grand et magnifique mouvement de la Renaissance.
Ma seconde impression est une fascination (encore) pour toutes ces techniques picturales longuement exposées sur le mélange des pigments, les enduits, l’utilisation des cristaux pour refléter la lumière, l’art du séchage pour raviver les couleurs, le tracé des contours à la sinope, les perspectives, les reliefs, le tout consacré à un art essentiellement sacré.
Tout ceci ne rendrait cependant pas un hommage mérité à cet ouvrage qui, bien que s’inscrivant en effet dans l’esprit et l’époque de la Renaissance, n’en est pas un catalogue, mais bien un récit poétique et spirituel, à travers un jeune peintre florentin, Giovanni.
Le génie et la technique suffisent-ils à donner vie à une œuvre ? Comment se laisser guider par plus grand que soi ? Qu’est ce qui contribue à changer son regard, le sens de sa vie ? Comment les épreuves façonnent-elles ? Quels rapports entre maître et élève ? Comment l’art dépasse celui qui le transmet ?
Autant de questions auxquelles notre jeune peintre sera confronté et dont les réponses surgiront au gré de son épopée personnelle, éternelles interrogations qui sont le lit de tout être humain en quête de sens, et des artistes en particulier quand leur art s’expose.
Un joli coup de cœur de littérature.
Pauline de Préval est journaliste et scénariste. Auteure en janvier 2012 de Jeanne d’Arc, la sainteté casquée, aux éditions du Seuil, elle a publié en septembre 2015 Une saison au Thoronet, carnets spirituels.
Si tu pars voir quelques musées romains, je suis partant ! …
Je n’ai pas rencontré Pauline, mais je l’al d’abord acquise…
Cette phrase est sublime et qualifie tellement notre Elvire.
A elle seule elle rend ce billet inoubliable.