Triste tigre de Neige Sinno
« Il disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait, il disait que son souhait le plus cher était que je l’aime en retour. Il disait que s’il avait commencé à s’approcher de moi de cette manière, à me toucher, me caresser c’est parce qu’il avait besoin d’un contact plus étroit avec moi, parce que je refusais de me montrer douce, parce que je ne lui disais pas que je l’aimais. Ensuite, il me punissait de mon indifférence à son égard par des actes sexuels. »
Encore un livre sur l’inceste me direz-vous. Certes ! ce sujet nous inonde, dégouline des pages littéraires, et font bien souvent les prix et les succès d’hier et d’aujourd’hui. Et pourtant, il serait dommage de passer à côté de cet ouvrage qui vous saisit par le côté ciselé et extrêmement distancié, quoique personnel, avec lequel Neige Sinno saisit le lecteur. Nous ne sommes pas voyeurs, mais plutôt un juré de cour d’assises convié à saisir dans un temps très court, celui de la lecture, un pan de vie, où divers protagonistes sont victimes, bourreaux, parfois eux-mêmes victimes, le tout dans un cadre fermé où pourtant ni les proches, ni même la mère, n’ont réussi à déceler le moindre indice d’alerte.
Il faut du recul pour écrire un tel livre où la victime est aussi écrivain, où la plume n’a aucune vertu thérapeutique mais bien celle de dire, d’interroger, de nous saisir sur la notion de déni, d’aveuglement, de silence, sur la vie d’avant, pendant, et celle d’après.
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