Journal et pensées de chaque jour d’Elisabeth Leseur
« Pour donner il faut acquérir, et pour servir un jour, ou un peu chaque jour, mes frères devant Dieu, il faut que j’aie déjà longuement et purifié mon âme. (…) C’est un devoir de développer sans cesse son intelligence, de fortifier son caractère, de devenir un être de pensée et de volonté : c’est un devoir d’envisager joyeusement la vie et l’affronter avec énergie. C’est un devoir enfin de savoir comprendre son temps et ne pas désespérer de l’avenir. (…) Mes résolutions devront se plier aux circonstances, le précepte charitable doit passer avant le conseil. De plus en plus chercher par l’exemple, par la tendresse et en développant et élevant mon intelligence, à répandre plus de lumière parmi les intelligences et les âmes que je rencontre sur ma route. Je veux plaider la grande cause de la charité par mon attitude, mes paroles et mes actes ».
Elisabeth Leseur m’accompagne depuis quelques mois déjà, depuis, pour être exacte, la lecture de sa biographie dont j’avais parlé ici en mars 2017.
La spiritualité de tout un chacun s’affirme et s’ancre par l’influence de courants très variés qui peuvent passer par notre éducation, nos lectures, nos rencontres, l’époque au sein de laquelle nous vivons mais également à travers des figures qui nous marquent en ce qu’elles font écho aux problématiques et questionnements des hommes de notre temps, et assurément Elisabeth Leseur est une de ces figures à laquelle je me suis vite attachée et que j’ai eu envie de côtoyer de façon plus intime.
Les écrits d’Elisabeth, essentiellement constitués de journaux et de correspondances, n’avaient pas vocation à être publiés. Ce fut cependant la tâche à laquelle s’attela sans relâche son époux Félix après sa mort, lorsqu’après leur lecture, lui qui était si hostile à la religion de son vivant à elle, se convertit et devint prêtre Dominicain.
Elisabeth, qui vécut de 1866 à 1914, prit cette habitude de coucher régulièrement ses pensées et résolutions dans des carnets qui témoignent de cette volonté incessante et désir permanent d’accorder sa foi avec la vie qui fut la sienne, celle d’une épouse d’abord qui aimait profondément son mari, celle d’une femme du monde ensuite avec ses obligations familiales et sociales. De part ses origines et son mariage, Elisabeth évolua dans un milieu que l’on peut qualifier de privilégiés, parmi des intellectuels, des personnes influentes, un milieu parisien qui comportait son lot de réceptions et d’obligations sociales, mais qui était particulièrement hostile à la religion.
Epoque oblige probablement, n’oublions pas que nous sommes en pleine période de séparation de l’Eglise et de l’Etat, Elisabeth Leseur ne cache pas souffrir de se sentir très isolée dans sa foi, ne trouvant dans son entourage que peu de personnes avec qui partager son âme et ses aspirations, et de ce constat, naitra ce qu’elle considèrera être sa vocation qu’elle ne cessera de fortifier et faire grandir, être toute à tous, fidèle au poste où la Providence l’a placée, consciente du bien que l’on peut faire aux âmes particulières dans des relations privilégiées plutôt que de se perdre en conceptions irréalisables.
Transformer la pensée en acte, la bonne volonté en volonté, prier, aimer, tenir son âme ouverte aux âmes qui voudront se confier à elle, accueillir les visiteurs de chaque jour avec sérénité, être aimable avec simplicité, travailler et lire de manière à fortifier son esprit, rester séduisante de sa personne et dans son foyer.
Telles étaient les grandes résolutions d’Elisabeth qu’elles gardaient secrètes : apprendre du Cœur de Jésus le secret de l’amour des âmes, la science profonde des âmes, se donner à elles et pourtant se réserver, montrer la Vérité tout entière et cependant la faire connaître dans la mesure où chaque âme peut supporter sa lumière.
Très soucieuse de ne pas faire de la foi un sujet de discorde ou d’hostilité, elle avait très à cœur d’être un simple instrument de lumière plutôt qu’un étendard, toujours très respectueuse des chemins personnels dont elle avait une parfaite acuité de la part de Vérité qu’ils renfermaient et délicate envers une intimité qu’elle ne se sentait pas le droit de fouler par des paroles ou des actes dont elle ne pouvait mesurer les éventuels dommages, privilégiant en toute chose la charité et la bienveillance pour autrui, conservant pour elle l’exigence et la conversion intérieure.
« Ma foi est intime, consciente et si profonde, que les choses ou les gens qui me font souffrir par elle ne peuvent plus la troubler ».
Elisabeth Leseur avait par ailleurs une très haute opinion de la place et du rôle des femmes dans la société. Elle les encourageait à se cultiver, à raisonner, à prendre leur place dans le monde en toute conscience de ses enjeux. Loin de mener une vie austère et triste, elle mettait un point d’honneur, voire considérait comme un devoir, de prendre soin de sa tenue, de rester avenante, d’avoir un intérieur accueillant, de prendre soin des plus faibles.
Au même titre que l’homme, écrit-elle en 1900, la femme est un être pensant, agissant et aimant, elle peut fièrement réclamer son droit au devoir et elle mettait sur un même plan le devoir d’état et le devoir de chrétienne. L’un y puisant sa fécondité et l’autre s’y incarnant.
De santé fragile marquée par de longues périodes de souffrance, Elisabeth est décédée à 48 ans. Elle nous lègue un exemple de vie spirituelle qui reste totalement d’actualité pour les femmes de notre temps.
A méditer chaque jour et à lire sans modération pendant ces périodes estivales.
Je retrouve ces billets, qui me séduisent. Ce dernier est plein de sensibilité intérieure, la spiritualité de chacun, au plus profond, au plus intime. Ce que l’on confie à la feuille est comme le reflet de sa vie indicible.
Mon elvire est la. Toute mon elvire, seule mon elvire. Voilà bien l’essentiel