Dorothy Day d’E. Geffroy, B. de Guillebon et F. de Rivaz

« Dans un monde sans vérité, certains se sont battus pour entendre Sa voix et pour continuer à parler de la vérité – la vérité du Christ. Et parmi eux il y avait Dorothy : par son engagement pour la justice, pour la liberté et la paix, sa résistance aux royaumes de ce monde, et son indéfectible engagement en la croyance que l’amour rachètera le monde. Dorothy eut un rêve de cette vérité, et le rêve est devenu une vision, et la vision devint une lumière pour le monde. »

         Homélie du Père Gneuhs lors des funérailles de Dorothy Day le 2 décembre 1980

 Dorothy Day, très célèbre aux Etats Unis, méritait bien cette première biographie française, que l’on doit à trois jeunes auteurs, tous membres de l’association le Dorothy, qui a ouvert un café associatif dans le 20ème arrondissement de Paris.

Je n’ai pas de meilleur portait à dresser d’elle que celui qui figure en 4ème de couverture et que je reproduis pour partie ici : née en 1897, militante anarchiste et communiste, jeune journaliste engagée dans la défense pour les plus pauvres, le pacifisme et le combat contre le racisme, elle se convertit au catholicisme à l’âge de 30 ans, sans rien renier de ses convictions révolutionnaires et avant-gardistes en faveur de la justice et de la paix. Fondatrice en 1933 du mouvement des Catholic Workers, ainsi que du journal du même nom, elle crée pour les déshérités un réseau de maisons d’accueil et fait pour elle-même le choix de la pauvreté.

Intransigeante et audacieuse, elle a tout connu : le mariage et le divorce, l’avortement et la maternité, plusieurs fois la prison. Au cœur de cette vie d’une rare intensité, elle a incarné l’idéal évangélique de telle manière que son procès en béatification a été ouvert par Jean-Paul II.

Elle meurt en 1980 en ayant porté jusqu’au bout ses engagements et laisse derrière elle, à travers notamment ce portrait, l’image d’une femme complexe, radicale, étonnante et qui suscite un certain nombre d’interrogations de nature à alimenter quelques soirées de discussion.

Il y a dans sa radicalité, ses affinités et combats politiques, un quelque chose qui n’est pas sans rappeler Simone Weil. Mais si cette dernière, bien que totalement ancrée dans le réel et actrice des causes qu’elle défendait, pourrait s’inscrire dans le duo « foi et raison » à travers sa quête de Vérité, Dorothy Day se caractériserait davantage par le duo « foi et action » par la mise en œuvre d’actions concrètes qui ont donné lieu à la création d’un véritable mouvement ayant largement dépassé les frontières américaines.

Dorothy Day écrivait quotidiennement dans son journal Catholic Workers diffusé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, mais il semble difficile d’en extraire une pensée, une théorie, une philosophie détachée de son quotidien qui se dessine cependant autour d’une véritable colonne vertébrale : la réflexion collective sous forme de tables rondes et l’action à travers l’ouverture de maisons d’hospitalité et de fermes collectives.

En pleine période de la Grande Dépression, peu après sa conversion et sa rencontre décisive avec Peter Maurin, la mission, la vocation même de Dorothy Day va répondre à ce que l’on appelle dans l’Eglise les œuvres de miséricorde, qui sont des actions concrètes pour venir en aide à son prochain. De deux natures, elles peuvent être « corporelles » (donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers et ensevelir les morts) ou « spirituelles » (conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consolés les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et les morts.)

De la révolution politique à la révolution de l’Evangile, Dorothy imprimera de son empreinte et de son évolution personnelle, année après année, un mouvement dont les principes resteront les mêmes : l’importance de l’expérimentation, l’Evangile comme horizon politique, l’Eglise comme cadre de pensée, la responsabilité personnelle, l’hospitalité comme premier devoir, la formation intellectuelle, la pauvreté franciscaine, la prière et l’autonomie des membres.

Après avoir lutté contre un système dont elle vilipendait la nature intrinsèque à créer de la misère, du chômage, des injustices sociales et l’aliénation des ouvriers, elle a œuvré pour une vision à l’échelle humaine, locale, via de petites communautés fraternelles où charité, hospitalité, responsabilité individuelle et travail manuel étaient le cœur. Nous devinons dans quelques paragraphes que ces fermes collectives ou maisons d’hospitalité n’ont pas été exemptes de critiques ou de dévoiements et il aurait été intéressant d’en connaître et analyser les raisons, même s’il est possible de supputer que la nature humaine, conjuguée à l’absence de règles, même dans un cadre pensé et bâti pour être un remède à ses maux, produit d’autres dérives.

Dorothy Day, en dépit de ses apparentes contradictions, reste une vie donnée pour son prochain et elle mérite d’être mieux connue de nos contemporains, ne serait-ce comme source d’inspiration et de réflexion sur la notion de bien commun, de charité et d’engagement dans le monde.

Une très jolie biographie qui rend un bel hommage à une grande dame.

Elisabeth Geffroy, 25 ans, normalienne et agrégée de philosophie, Baudouin de Guillebon, 21 ans, étudiant en philosophie, Floriane de Rivaz, 29 ans, normalienne et conservateur des bibliothèques.

3 réponses
  1. Marie Victoire
    Marie Victoire dit :

    Très envie de lire cela. J’ai  » croisé  » cette femme il y a peu à travers un article sur l’espèce de café associatif qui s’est développé à Montmartre autour de cette figure inspirante, mais qui m’avait l’air de loin d’un truc de  » bobos à bonobos  » (je les imaginais en sarouel mauve en tissus crépon, si tu vois l’impression générale). Mais je sais que je devrais creuser

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