Lilas noir de Reinhard Kaiser-Mühlecker

« Ferdinand s’agenouilla devant la sépulture. tout à coup, il fondit en larmes, et en même temps des rires le soulevèrent, il fut ébranlé par une force qui puisait à de telles profondeurs dans ses entrailles qu’elle en perdait toute dimension physique. Ce soudain afflux d’émotions le laissait désemparé. Et cependant il le comprenait, comme il l’avait déjà compris un peu plus tôt, quand il se tenait derrière la maison. Le bonheur d’avoir retrouvé son père, et la douleur de l’avoir à jamais perdu, cet enchaînement peu naturel, c’était cela qui le remuait. »

Il est de bon aloi dans certains milieux de ne trouver que peu d’intérêt à la littérature contemporaine, et en particulier au roman dont il est vrai que le fond ou la forme souffrent bien souvent d’un manque de tenue, de densité, d’universalité, de qualités somme toute qui ont permis l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler un classique.

Et pourtant, en mars 2021, les éditions Verdier publiaient Lilas rouge, une fresque narrative portée par une langue somptueuse d’un jeune auteur autrichien, Reinhard Kaiser-Mühlecker, qui fut considéré à juste titre comme une véritable révélation. L’histoire de cette famille Goldberger, dont le chef de famille, ancien chef de section du parti nazi, décide de s’installer en plein monde rural pour fuir son passé, ne manqua pas de séduire les amoureux de beaux livres et de placer son auteur, d’emblée, parmi la cour des grands.

En 2023, les éditions Verdier publiaient Lilas noir, la suite tant attendue de cette fresque qui s’articule ici autour de la figure de l’arrière-petit-fils, Ferdinand Goldberger, haut fonctionnaire au ministère de l’Agriculture et de l’environnement. Promis à un brillant avenir, une tragédie amoureuse va cependant le conduire à tout quitter et à partir en Amérique du Sud, sur les traces de son père trop peu connu, décédé de nombreuses années auparavant.

Le poids du passé qui pesa comme une malédiction sur cette famille, semble perdurer dans ce nouveau volet, qui n’est pas sans évoquer la puissance du destin auquel il est difficile de déroger. C’est d’ailleurs au cœur même de la ferme familiale de Rosental que s’ouvre et se clôt cette fresque, toute quête ramenant invariablement aux sources, lieu des drames et lieu de vies.

Un immense roman, autour de la transformation du monde rural et du poids des familles, excellemment traduit qui mérite tous les honneurs.

1 réponse
  1. ht
    ht dit :

    Le poids du passé
    La puissance du destin…
    Tout cela me parle
    Billet subtil et magnifiquement mis en mots
    Elvire, what else

    Répondre

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *