Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre par Anna Klumpke

« Après avoir été une fervente admiratrice de Rosa Bonheur, les circonstances de ma vie, et quelque secret destin sans doute, m’ont rendue la compagne de ses derniers jours, et la confidente de ses suprêmes pensées. Par là j’ai contracté le pieux devoir de faire connaître, d’après ses propres récits, la vie de la femme illustre que je n’ai cessé de pleurer. Sa carrière fut longue et bien remplie; un rayon de gloire l’illumina, et le jour funeste qui en marqua le terme fut déploré dans sa patrie, aussi bien que par delà les frontières et les océans, par tous ceux qui ont eu le culte de la nature, de l’art et de la beauté. Du moins, son souvenir n’est il pas près de s’éteindre : les belles œuvres qu’elle a laissées et qu’une admiration unanime a répandues un peu sur tous les continents, lui sont un sûr garant de vivre dans la mémoire de la postérité. »

Si vos pas vous conduisent un jour vers Fontainebleau, que vous entrez dans le petit hameau de By-Thomery, vous tomberez sur le ravissant château de By qui fut la demeure acquise par Rosa Bonheur en 1859, à la suite de la vente du célèbre tableau Le marché aux chevaux. Elle y vivra les quarante dernières années de sa vie, lieu qu’elle léguera à sa « fille » de cœur, l’artiste portraitiste américaine, Anna Klumpke qui se consacrera à faire vivre la mémoire de Rosa Bonheur qui, de renommée internationale de son vivant, tombera peu ou prou dans l’oubli dans les années 50. Ce château, acquis en 2017 par des particuliers, est depuis ouvert au public et ses propriétaires œuvrent pour la protection de ses collections, dont beaucoup d’œuvres d’Anna Klumpke, et la réhabilitation de ce lieu de mémoire absolument charmant.

Il était donc incontournable que l’Atelier Rosa Bonheur procède à la réédition de la biographie de Rosa Bonheur écrite par Anna Klumpke, elle-même, éditée une première fois en 1908, et jamais depuis. Ce livre, sous forme de journal, est pourtant la biographie de référence, et la version intégrale dans cette édition, de cette immense artiste que fut Rosa Bonheur, spécialisée dans la représentation animalière et personnage féminin hors norme à plus d’un titre.

Se plonger dans cette biographie est un véritable délice. D’abord parce que son auteur, très grande artiste elle aussi, fut d’abord son admiratrice, avant de devenir son amie, puis sa colocataire et enfin sa légataire. La biographie de Rosa Bonheur est ainsi, et aussi dans sa première partie, l’histoire de cette rencontre qui s’étale sur plusieurs années, et se situe entre l’Amérique d’où vient Anna Klumpke et où Rosa Bonheur y était déjà célèbre, et le château de By où Rosa Bonheur demeure, entourée d’animaux de toute sorte, au style vestimentaire si particulier qui fit aussi sa renommée et son atelier d’où émergent tant de chefs-d’œuvre.

La seconde partie de l’ouvrage retrace la vie de Rosa Bonheur, telle qu’elle s’en est confiée à Anna Klumpke. Dotée d’une personnalité vive, primesautière, très garçon manqué, Rosa Bonheur est entrée « en peinture » comme on entrerait dans les ordres. Bien qu’elle partageât son quotidien avec son inséparable amie d’enfance, Nathalie Micas, jusqu’à la mort de cette dernière en 1889, toute sa vie fut consacrée à son art, rien ne l’en détourna jamais et certains tableaux pouvaient rester inachevés des années tant qu’ils n’atteignaient pas à ses yeux la perfection du réalisme qu’elle recherchait. Très tôt, elle fut remarquée dans les Salons, connut un succès phénoménal Outre-Manche, et fut la première femme artiste à être décorée de la Croix de la Légion d’Honneur des mains même de l’Impératrice Eugénie.

Rosa Bonheur est une femme à la destinée extraordinaire, originale, indépendante, qui marqua son époque durablement par son génie et sa personnalité. Profondément libre sans être réactionnaire pour autant, elle tenait à ce que les femmes prennent leur place dans la société dès lors qu’elles avaient le talent et l’esprit pour le faire. On reconnaissait, disait-elle, la qualité d’une civilisation à l’intelligence de l’éducation et au respect réservés à ses femmes.

Ne cessant jusqu’à son dernier souffle à se perfectionner dans son art, elle meurt en 1899 à Thomery d’une congestion pulmonaire à 77 ans, et fut enterrée au cimetière du Père-Lachaise dans la tombe de Nathalie Micas dans laquelle devaient les rejoindre les cendres d’Anna Klumpke avec comme épitaphe : l’amitié est une affection divine.

1 réponse
  1. ht
    ht dit :

    L’amitié est une affection divine…
    J’ai eu la chance de découvrir ces lieux, où règne une atmosphère unique de liberté, d’art, d’élégance.
    Merci Elvire de raviver ces souvenirs

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