Un vent les pousse de Frédéric Bécourt

« Assigné par son âge, son sexe et ses origines à une communauté dont on attendait désormais le silence, ou tout au moins la retenue, Gilles persistait à penser à voix haute. Son point de vue universaliste, devenu minoritaire et ringard, n’intéressait personne. Pour autant, il se considérait encore comme un Français tout à fait habituel, indissociable du nombre. Absorbé par ses livres et son rôle de père, il s’était peu à peu coupé du monde, c’était évident, mais surtout il ne l’avait pas vu changer. »

Dans la série des romans d’anticipation qui ne seraient pas si terrifiants s’ils n’annonçaient pas une réalité déjà en germe, il convient de rendre hommage au livre de Frédéric Bécourt qui décrit avec talent la pulsation idéologique de notre temps qui nous conduit inexorablement vers un monde bicéphale où le tempo de certains, parfaitement accordés sur ce rythme digne du boléro de Ravel, radicalise et marginalise de fait ceux qui tentent de s’en extirper.

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Les lieux où souffle l’esprit

Il est un lieu où j’ai longtemps rêvé de pouvoir y poser mes valises de façon ponctuelle comme lieu de villégiature mais pérenne au sens de s’y sentir chez soi par la possession d’une petite maison qui serait nôtre et nous ressemblerait.

Nichée dans une des innombrables ruelles fleuries, non loin de la plage, elle porterait le nom de Vive Ama, en hommage à Victor Hugo qui avait fait inscrire cette devise sur un banc que nous trouvons dans sa maison de la Place des Vosges.

Pour y parvenir, il nous faut prendre le train jusqu’à La Rochelle puis monter dans le bus qui nous permet de traverser le pont pour rejoindre cet espace insulaire. Déjà, nous sommes saisis par un air de vacances, un soupçon d’esprit d’aventure, les sacs jetés dans la soute, le front posé sur la vitre pour savourer cette envie d’ailleurs. Il nous faut ensuite entrer dans le temps long des arrêts et des paysages qui défilent et s’impriment en nous, prenant la place de la vie citadine, le corps et l’esprit tendu vers ce lieu familier qui regorge de tant de souvenirs. Nous descendons à l’arrêt de la Vierge qui portait si bien son nom jusqu’à ce qu’une bande de laïcards hystériques obtienne son retrait. Le socle vide est toujours là et une tristesse nous étreint l’âme à la vue de cette vacance inqualifiable. Mais très vite, agglutinés sur le trottoir, munis de nos valises promptement récupérées, il nous faut remonter les ruelles direction le port. Les roulettes tressautent sur chaque pavé et leur bruit réitératif, qui se dispute le silence improbable avec les sonnettes des vélos, annoncent que ça y est, nous y sommes enfin, qu’une fois les clés récupérées et les formalités accomplies, nous pourrons prendre possession des lieux, se distribuer les chambres et vérifier quelles sont les nouveautés et ce qui est resté immuable.

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