L’enragé de Sorj Chalandon

« Mon père buvait, ma mère s’était enfuie pour mieux que nous. Je vivais chez des vieux dans une ferme au milieux des champs. A l’école, j’apprenais des chiffres qui ne me servaient à rien. Le nom de pays où je n’irais jamais. L’instituteur nous parlait de morale. C’était quoi la morale? Laisser le bouillon à un enfant et garder la viande pour soi ? Que faisait-elle pour moi, la morale ? Et l’instruction civique? Et le « tu aimeras ton prochain comme toi-même », psalmodié par notre curé, j’en faisais quoi ? Il me déteste mon prochain. »

Ouvrir un livre de Sorj Chalandon n’est jamais un geste anodin ou qui laisse indifférent. Il est de ces écrivains qui ne sont pas seulement des conteurs ou de simples romanciers, mais qui soulèvent des lames de fond émotionnelles, vous retournent les tripes, vous tiraillent l’esprit, vous transpercent, vous transportent. Sorj Chalandon ne se caractérise pas par une densité des pages, ses livres n’étant pas spécialement des pavés, mais par une densité des mots qui d’emblée vous immergent dans un lieu, une époque, une famille. Lire ses romans, c’est accepter d’entrer dans la réalité et la dureté d’une vie, se laisser imprégner par une musicalité qui lui est propre, sans concession.

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