Mais quel visage a ta joie ? d’Emmanuel Godo

 « Choisis la victoire. La victoire sans triomphe. La victoire sans hubris. La victoire de l’homme qui s’accorde à l’éternelle vérité. Car n’en déplaisent aux fabricants d’éphémère, il existe une vérité éternelle. Cette vérité peut prendre n’importe quelle bouche pour venir jusqu’à nous et nous rouvrir le cœur. Cette vérité nous dit qu’un homme, pour rester un homme, ça n’insulte pas une femme qui tombe, ça ne profite pas de son pouvoir pour humilier un faible, ça laisse les morts dans la paix du tombeau, ça ne trouve pas de raison à l’ignominie, ça n’enferme pas l’autre entre les quatre murs d’un préjugé. Cette victoire-là est un honneur : elle exulte en secret de raccorder ta vie, comme un sang qui irrigue ton être. (…) Choisis la joie devant laquelle s’inclinent toutes les puissances qui ne sont pas fondées sur elle. »

 Je découvris Emmanuel Godo en octobre 2017 avec ce petit chef-d’œuvre Un prince  dont je tombais littéralement sous le charme, puis sortirent successivement pas moins de quatre livres dont trois sont en ma possession, et bien que savourés, je ne les avais pas chroniqués en son temps.

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Antonia de Gabriella Zalapi

Journal de 1965-1966

« Il parait qu’un jour on se réveille affamé de ne pas avoir été ce que l’on souhaite (…) Mon mariage n’est pas celui que j’espérais. (…) J’ai été d’une naïveté grotesque en l’épousant. Je suis simplement supposée obéir, entretenir la maison et superviser l’éducation de notre fils. Rien de plus. Je suis sa subordonnée, son obligée. (…) Je me suis demandée jusqu’à quand l’intimité dure. J’ai compris que les lettres de Franco que je prenais pour de l’amour n’étaient que des mots sur des lignes droites, enfermées entre deux marges. De l’air. Fuir. M’évaporer. Me protéger. Crever. Pleurer. Je veux disparaitre dans l’anonymat. »

 Artiste plasticienne formée à la Haute école d’art et de design à Genève, Gabriella Zalapì puise son inspiration dans sa propre histoire familiale dont elle reprend photographies, archives et souvenirs pour créer des œuvres qui oscillent entre histoire personnelle et fiction. Cette réappropriation du passé, qui s’incarnait jusqu’ici dans des dessins et des peintures, se transpose cette fois à l’écrit dans un premier roman, Antonia, sorti en janvier.

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L’or du chemin de Pauline de Préval

« Sais-tu qu’il existe un démon plus pernicieux que celui du mal : le démon du bien, qui s’en prend particulièrement aux êtres généreux et talentueux comme toi et les fait pêcher par orgueil ? On peut vouloir rendre les hommes meilleurs, mais le résultat ne nous appartient pas. Et on ne peut pas prétendre transfigurer le monde si on ne s’est pas laissé soi-même transfigurer. (…) Alors, pars, souffre, tu reviendras, car tu es un peintre-né. Mais il faut d’abord que tu laisses faire la main du Maître. (…) Tu auras compris ce que je pense de cet espace soumis aux lois de la perspective que tu vantes comme l’invention suprême : il ne vaut que dans la mesure où on est capable de le faire éclater. De même que le monde est plus que ce qu’on perçoit de notre œil, et notre vie ne vaut que par ce qui la dépasse. L’essentiel, qui est la présence réelle cachée en toutes choses, est infigurable géométriquement.»

 Pauline, ce fut d’abord une main apposée sur un manuscrit en relecture dont certains n’ont pas manqué de souligner à juste titre qu’elle aurait pu inspirer Rodin, puis une chevelure or flamboyante sur un visage de profil au moment des dédicaces des exemplaires envoyés en service presse.

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Le Dormant d’Ephèse de Xavier Accart

« … Renaud, de grâce, ne te mure pas dans ta douleur. Malques est venu mourir à tes pieds, comme une vague d’amour qui te cherchait depuis longtemps. Que ce ne soit pas en vain ! C’est un don qui vous a été fait, à toi et à lui. Ne le refuse pas, s’il te plaît. Ne refuse pas la vie. Continue à marcher, pense à tout ce chemin qu’a fait Malques, seul, à ses dernières paroles … Tu te souviens, nous nous étions promis d’aller à Ephese, jusqu’à la caverne des sept saints. Ne voudrais-tu pas réaliser ce rêve ? ».

Entre 250 et 253, sept jeunes hommes d’Éphèse (Turquie), refusant de sacrifier au culte de l’Empereur Dèce et ses idoles, se seraient secrètement cachés et endormis dans une caverne qui fut alors murée sur ordre de l’Empereur. La tradition chrétienne raconte qu’ils se seraient réveillés deux cents ans plus tard puis rendormis pour l’éternité.

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