Ton absence n’est que ténèbres de Jon Kalman Stefansson

« Tiens-moi, serre-moi, ne me lâche jamais, et mon amour, quand tu me regardes, tu vois qui je suis en réalité. Le trajet avait duré sept heures. Il faut sept heures pour passer d’une vie à l’autre. Dieu a créé le monde en six jours, et il a béni le septième. Tout événement important doit par conséquent advenir sept fois. Dis je t’aime sept fois, sinon l’amour ne survit pas. Et il faut sept heure pour se fuir soi-même. (…) Ils ont connu le bonheur, puis ils l’ont sacrifié et Eirikur est né dans un trou noir dans l’âme. Parce qu’ils ont trahi, parce qu’il ne leur a pas été donné de vivre ensemble, parce qu’ils n’ont pas osé, pas eu le droit, parce que Svana n’a pas eu le courage de tout sacrifier pour l’amour. On doit toujours choisir de deux choses l’une, mais qu’importe celle que vous choisissez, cela créera toujours un trou noir quelque part. »

Cher Jon, je peux vous appeler Jon après avoir passé presque 600 pages en votre compagnie, des heures volées à la nuit, des heures reprises à l’aube. Il est possible je crois de dire qu’après tant d’instants si denses et si émouvants vécus à travers la magie des écritures qui nous parviennent de si loin, d’un pays où le froid et la lumière ne manqueraient pas ici de me faire sentir si fragile, des ponts s’élèvent entre les êtres qui vibrent d’un même unisson. Vos mots sont musique, sont poésie, sont passion et nous aimerions tous je crois être l’auteur ou l’acteur d’un tel récit, ou l’amie de l’auteur, ou l’amante de l’acteur. Que sais-je et peu importe au fond.

Peut-être que si je parlais islandais, je vous écrirais directement pour vous dire que ce livre est de ceux qui nous secouent. Ces destins qui se mêlent et s’entremêlent, sur plusieurs générations, dont les passions, les morts, les choix, les absences de choix, ont de telles répercussions sur les uns et sur les autres, pour le meilleur comme pour le pire, ne peuvent que nous interroger sur notre propre destinée. Il faut avoir beaucoup aimé et aussi beaucoup souffert pour coucher ces mots, écrire un tel récit qui vomit les tièdes, exhale et broie en même temps les amours impossibles, recueille les orphelins, embrasse les âmes blessées, le tout dans une symphonie humaine qui trouve son écho dans les paroles de chansons de Bob Dylan, Miles Davies, Elvis, Fitzgerald, Léonard Cohen, les Beattles, David Bowie, et tant d’autres de la même trempe.

Votre livre a été primé, maintes fois encensé, et pour cause : à la tendresse se dispute la beauté, à l’immuabilité de la vie islandaise s’opposent des vies denses qui tentent de s’en arracher tout en se lovant dans son cocon qui les forge. Roman et quête à la fois, c’est le récit décousu et reprisé de vies ordinaires et pourtant extraordinaires en ce qu’elles révèlent la saveur des grands mouvements de l’âme, à l’échelle d’une vie et de toutes celles qui l’entourent.

Merci cher Jon pour cette lecture qui me rappelle pourquoi j’aime tant les livres : ils nous font voyager à tous les niveaux, et une fois fermés, ils viennent rejoindre les murs de notre château intérieur qui abrite et protège notre être profond, à l’image de votre fjord islandais.

1 réponse
  1. Ht
    Ht dit :

    Le voyage est dans ce billet magistral
    Qui me touche m’émeut
    7 en vous lisant Elvire que mon cœur chavire. A mon tour de vous dire merci

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