Vivarium de Tanguy Viel

« C’est une expérience bien triste quand, se réjouissant de présenter un ami à un autre, il ne se passe entre eux qu’indifférence polie. La relation de Chasles, si utile en mathématiques, ne semble en rien valoir en amitié : AB+BC produit rarement AC. Persister à le croire provient de ce rêve d’élargir à tous crins une communauté sans bords dont l’axiome, ouvert sur l’humanité entière, ne serait autre que « les amis de mes amis sont mes amis ». Au lieu de cela, il nous faut bien constater que le mystère de l’amitié relève de l’étrange vibration qui nous tient sous la coupe d’une séduction mutuelle, hors de toute loi objective, hors surtout de trop d’élargissement. Et c’est là que le bât blesse : à placer ainsi l’amitié sous le joug opaque d’un mystère privé, à la mythifier de cette complicité magnétique qui abrite deux êtres, la voilà qui se sanctuarise, se plaçant à l’écart de toute fraternité générale. »

Ne plus écrire, se répéter à l’envi ou trouver des sources d’inspirations différentes, telles sont les questions auxquelles se confronte Tanguy Viel dans ce nouvel opus qui telle une césure dans la longue lignée de ses précédents romans, donne une nouvelle coloration à son œuvre.

Le milieu de vie, celui de sa vie littéraire ou celui de sa vie d’homme, est souvent celui des costumes qui de chatoyants deviennent trop étriqués et qui ne demandent qu’à craquer pour laisser naître un nouveau souffle, où les yeux se dessillent, où les mots revêtent des réalités différentes, où la conscience du temps, des lieux, des choses est plus accrue. A l’urgence de narrer vient se substituer dans Vivarium le souci presque chirurgical de déposer des fragments de pensées, d’observations, de souvenirs ouvrant sur un autre espace d’explorations littéraires auxquelles l’auteur ne nous avait point habitués jusque-là.

Ce livre se lit par petites touches pour se laisser emporter par sa prose qui nous dépose sur la rive au gré du ressac ou de fines vaguelettes des mots. Si la forme diffère, nous retrouvons bien cependant le style de Tanguy Viel, cette sensation de l’équilibriste qui oscille entre réalité crue et l’inexorabilité d’une forme de fatalité impalpable mais présente, qui se maintient sur le fil de la lisière des choses et se forge au gré des évènements vécus ou perçus. Croquer ainsi la vie nous englobe dans le même destin de notre humanité commune à la fois purgatoire et jardin d’éden.

C’est cette somme des expériences à travers des éléments si différents que sont un souvenir, un lieu, une image, un mot, une fleur, un ami, des questions que nous retrouvons dans ce merveilleux petit livre de Tanguy Viel.

2 réponses
  1. Dom-Dom
    Dom-Dom dit :

    Qu’est-ce que l’expérience, l’expérience de la rencontre? Une séduction de l’instant, ou un regret, ou une incompréhension. Et pourtant l’amitié, la vraie, celle du coeur, naît de tout cela, car l’ami n’est pas moi, il est si différent, et pourtant l’amitié, au fil des jours, grandit.
    Et au fond, qu’est-ce qu’un ami, sinon une rencontre momentanée ou inscrite dans le temps, où grandit un sentiment d’affection qui dépasse l’ordinaire. … dans le respect des différences.
    DA

    Répondre

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *