De l’âme de François Cheng
« Savoir qu’on a une âme, c’est porter une attention éveillée aux trésors qui peuvent s’offrir dans la grisaille des jours, laquelle s’exerce à tout ensevelir. L’itinéraire de notre âme est notre vraie vie »
Comment parler d’un tel livre sans être tentée malgré soi de le paraphraser constamment.
François Cheng, c’est un troubadour des âmes, un chantre des pensées élevées, un poète de la vie, un orfèvre des sentiments, un luthier qui fait vibrer l’Essentiel.
Au-dessus du monde, touchant du doigt l’Eternel, frémissant au souffle de l’Invisible, palpitant à l’ombre de la Divinité qui vient transcender notre humanité, il n’est pas surprenant qu’il s’émerveille devant la grande mystique Hildegarde de Bingen (« Le corps est le chantier de l’âme où l’esprit vient jouer ses gammes »), le livre magnifique de Christiane Rancé « En pleine lumière » dont j’ai pu parler dans un précédent billet ou Simone Weil dont la vie toute entière fut un cheminement vers l’âme.
Une femme, rencontrée 30 ans plus tôt et à laquelle il avait posé cette question « que faites-vous de votre beauté ? », lui écrit : « sur le tard, je me découvre une âme. Acceptez-vous de m’en parler ? »
En sept lettres au souffle poétique d’une intensité bouleversante, François Cheng va lui répondre et nous parler ainsi de l’âme, « cette part la plus intime de notre être, toute d’une pièce, indivisible, irréductible, irremplaçable, marque de l’unicité de chacun de nous et de sa vraie dignité ».
Nos sociétés contemporaines réduisent malheureusement trop souvent l’homme à une dimension binaire : son corps et son esprit, ce qui revient à l’amputer de sa dimension plénière, cette triade indispensable dont Pascal disait « je reconnais le rôle de base du corps, le rôle central de l’esprit mais du point de vue du destin de l’individu, c’est l’âme qui prime, sa part la plus personnelle, la plus précieuse. »
Le corps peut déchoir, l’esprit s’altérer, mais l’âme demeure.
Évacuer l’âme de la dimension humaine, revient à n’appréhender l’Homme que sous l’angle de son utilité extrinsèque et non celui de sa dignité intrinsèque, laissant en chemin les plus faibles, les plus fragiles, les plus petits.
Les réseaux sociaux nous ont permis en 2016 de vivre aux rythmes du petit Gaspard « Entre Ciel et Terre », du comédien Damien Ricour décédé en décembre 2016, du film à paraitre « Et les Mistrals Gagnants » d’Anne-Dauphine Julliand, et tant d’autres encore, connus ou inconnus, dont les vies si fragiles et pourtant si belles, témoignent de la force extraordinaire de leur âme.
Je ne peux donc que vous inciter fortement à lire ce petit livre qui est un bijou de grâce et d’écriture.
J’avais déjà eu l’occasion de rendre hommage à cet écrivain magnifique, membre de l’Académie française, à propos d’un de ces livres Le Dit de Tianyi. Mais je pourrais également citer le chef-d’œuvre « l’Eternité n’est pas de trop ».
Son parcours de vie est en lui-même incroyable. Fuyant la guerre civile chinoise, il arrive en France avec un véritable amour de ce pays et de sa langue en 1949 où il vivra pourtant dans un profond dénuement et une grande solitude pendant des années, avant de reprendre des études en 1960. Naturalisé en 1971, il ne se lancera l’écriture qu’en 1977. Il est également membre d’honneur de l’Observatoire du Patrimoine religieux (OPR), une association multiconfessionnelle qui œuvre à la préservation et au rayonnement du patrimoine cultuel français.
Billet remarquable, touchant, profond.
L’âme cette grande inconnue, ce mystère et cette réalité. L’adn de notre inconscient. Ce qui nous survit?
Nous aurons tous la réponse un jour.