La piste Pasolini de Pierre Adrian

« Pasolini a justement mis les mots sur mes inquiétudes. Je ne peux pas me confondre autant avec un écrivain. Il m’inspire autant parce que j’ai retrouvé chez lui cet appétit d’essentiel, l’humilité et la générosité du chrétien de chapelle. Et la répugnance pour le dogmatisme, la règle moralisante. J’aimais la profonde humanité de Pasolini, homme des actes gratuits et des relations humaines. Homme sans calcul, plus catholique que les catholiques. »

Il est étonnant ce Pierre Adrian que j’avais découvert à la lecture de son dernier livre «Des âmes simples».

Brillant et talentueux, cet ouvrage ne fait que confirmer ce qui déjà transpirait dans chaque page de son deuxième roman, mais en nous faisant marcher sur les traces de Pasolini, c’est une autre facette de sa personnalité qui nous est dévoilée.

N’étant ni une lectrice assidue de son œuvre ni une spectatrice de ses films, autant dire que Pasolini était loin de m’être familier. Mais au fond peu importe car ce n’est pas tant Pasolini le sujet de ce livre que la démarche intellectuelle et profondément viscérale d’un jeune homme de vingt-trois ans parti sur les traces d’un écrivain insaisissable, assassiné en 1975, dont la vie et les idées sont entrées en résonnance avec ses propres tourments intérieurs.

« Ce n’est pas une simple fascination pour un homme bousculé toute sa vie, un poète dont les livres ont fait naitre en moi une émotion douloureuse. Il y a autre chose. Peut-être un appétit pour la vie, torturé par un mal de vivre que Pasolini dépeint merveilleusement. Il y a aussi ces interventions visionnaires, tant aujourd’hui elles sont justes, sur la société qu’il a vue se métamorphoser. C’est l’homme des paradoxes qui m’a parlé. (…) A lire Pasolini, j’ai appris à croire aux excès. »

J’ai découvert Pasolini en lisant Pierre Adrian, et ne serait-ce que pour cela, ce livre mérite largement d’être lu.

Pour ma part, j’ai surtout été profondément touchée par l’auteur qui a su me faire vibrer aux angoisses d’un jeune homme de notre temps, étouffant dans un carcan trop étroit, ne se sentant pas à sa place dans notre société et dont le combat, la lutte, se situent dans son for intérieur.

Pasolini, à travers ses écrits, ses engagements, sa critique de la société, ses tourments, ses excès, les polémiques qu’il a suscitées, sa quête de sens, répond aux grandes interrogations que la jeunesse, assoiffée d’idéal, de règles de vie, de pygmalions à suivre, de grandes figures à imiter, se posent.

Pierre Adrian espérait en vain que les réponses émergent des intellectuels d’aujourd’hui, il les a trouvées auprès de Pasolini en qui il voit un maître, un guide des âmes paumées.

En ce sens, Pasolini est plus actuel que jamais et je comprends mieux pourquoi il est souvent cité, tout comme Gramsci, dans des articles de jeunes auteurs dont le milieu ou les idées développées ne sont pas particulièrement communistes a priori, mais qui se veulent anticonformistes. Pasolini fascine, devient figure de proue de la lutte contre le monde consumériste et vide de toute forme de spiritualité.

Je n’ai pas l’âge d’être la maman de Pierre Adrian, et pourtant, en lisant ce livre, je ne pouvais m’empêcher d’avoir des réactions purement maternelles, et de me demander : que pourrais-je répondre à mon fils de vingt ans qui se sentirait mort dans son corps et en lutte dans son âme, et aspirerait à suivre les traces de Pasolini ?

Je me suis sentie fort dépourvue intellectuellement.

Instinctivement je n’aurais qu’une envie, le prendre dans mes bras, et il ne serait pas exclu que je verse quelques larmes.

Un livre particulièrement émouvant pour moi et  pour lequel il m’est difficile ce soir de produire un billet rendant davantage hommage à son côté littéraire et à sa si belle plume.

« Ma chair pue le pessimisme mais comme Pasolini, ma joie demeure par ce que l’âme continue de résister. »

 

 

 

2 réponses
  1. Dom-Dom
    Dom-Dom dit :

    A te lire, je pense à bien des personnes mortes dans leur corps et aussi dans leur intelligence. Il ne reste que leur âme qui hurle pour survivre … si on veut bien lui laisser un peu d’air.

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