La gazette culturelle de février – saison 2

La neige est partie, madame devrait être aux anges.

Oui ! sauf que, car il y a souvent un « sauf » ou un « mais » sachant que nous sommes toujours en hiver, nous vivons une expérience actuellement surprenante : habiter au pays de Picard.

Je regarderai avec davantage de commisération ces petits aliments qui sortent tout droit de cet indispensable magasin pour mamans pressées, sachant désormais à quel point l’expérience est douloureuse.

Avec le froid, il y a en effet une notion absolument formidable que j’ai découverte récemment : la température réelle et la température ressentie. Bien sûr, là aussi, tout habitant d’un pays subissant des mois de neige et températures arctiques vous diront : ah bon, tu ne savais pas cela ???? avec un air limite affligé.  Non, non, je confirme, je ne connaissais pas. Il fait bon, doux, chaud, il y a parfois des vents froids, mais jamais au grand jamais, il ne m’est arrivé de dire : oh il fait 25 degrés mais je ressens 40.

Mais ça, c’était jusqu’à maintenant : en ce moment, le thermomètre affiche -8°, et le ressenti réel est clairement que vous allez crever. Si avec la neige, vous marchez à pas feutrés pour éviter les glissades, avec le froid au ressenti d’un Mister frizz collé à votre peau, vous marchez d’un pas vigoureux. Car chaque pas vous rapproche du congélo, vos membres s’engourdissent, votre rhume se fige, vos mains peinent à sortir ne serait-ce qu’un ticket de métro du portefeuille, la cigarette tremble dans vos doigts et en à peine dix minutes, vous finissez comme le papa pingouin.

A l’inverse, quand vous franchissez enfin en hâte les portes d’un lieu convivial ou professionnel, le chauffage est tellement puissant qu’en un temps record digne d’un micro-onde de compétition, vous fondez comme neige en soleil : le rhume qui s’était figé dégouline, vos joues passent de la couleur cadavérique au rose pompette, vos mains deviennent moites, vos cheveux crispés sous un bonnet s’affaissent, vous retirez une première couche, puis une deuxième, et en à peine une demi-heure, vous avez rendez-vous avec la migraine et une envie irrépressible de dormir.

Il est donc temps de sortir prendre le frais, et bing, rebelote, vous retrouvez l’ami Picard, prêt à vous enlacer …

La solution serait de mieux s’équiper chez celui qui a toujours la forme à fond, je veux nommer Décathlon, sauf que, et je vais même l’écrire en lettres majuscules et en gras, SAUF que ce genre de magasin me procure de l’urticaire en raison déjà du choix de leurs couleurs toujours criardes, et surtout parce que le sport et moi ne formons pas un couple uni. C’est dissonant voyez-vous, mal assorti comme qui dirait, le devoir d’état et le sacrifice sont trop palpables pour parier sur une union durable. Je lui ai rendu sa liberté, il m’est donc particulièrement pénible d’en revêtir les atours par la suite.

La seule solution serait de ne pas sortir, et de se contenter de siroter des tisanes en attendant la période bénie, la période parfaite : le printemps. Après tout, c’est bien ce que font la plupart des animaux sages et hautement plus armés que nous : ils hibernent !

Mais nous qui sommes des animaux de réflexion, des animaux qui pensons, nous décrétons que nous devons bosser pendant que les autres roupillent. Cherchez l’erreur.

Il ne nous reste qu’à hiberner la nuit en mode lecture accessible pour neurones fatigués par des congélations successives.

Voici donc un bref aperçu de mes dernières lectures, qui pourraient certes laisser supposer un certain penchant pour la vie érémitique ou retirée, mais il s’agit plus d’une inclination de l’esprit naturelle qu’un souhait véritable ou une réalité (je retire immédiatement tout questionnement récurrent à ce sujet).

Lus

Le poids de la neige de Christian Guay-Poliquin

Un livre tout à fait de saison qui fait passer nos températures et quelques centimètres de neige pour une promenade de santé.

Le pitch : À la suite d’un accident, un homme se retrouve piégé dans un village enseveli sous la neige et coupé du monde par une panne d’électricité. Il est confié à Matthias, un vieillard qui accepte de le soigner en échange de bois, de vivres et, surtout, d’une place dans le convoi qui partira pour la ville au printemps, seule échappatoire. Dans la véranda d’une maison où se croisent les courants d’air et de rares visiteurs, les deux hommes se retrouvent prisonniers de l’hiver et de leur rude face-à-face. Cernés par une nature hostile et sublime, soumis aux rumeurs et aux passions qui secouent le village, ils tissent des liens complexes, oscillant entre méfiance, nécessité et entraide. Alors que les centimètres de neige s’accumulent, tiendront-ils le coup face aux menaces extérieures et aux écueils intimes ?

Sorti en janvier 2018, les éditions de l’Observatoire continuent de nous enchanter avec le choix de romans qui sortent un peu des sentiers battus, mêlant ce qui en fait toute la saveur, un récit de qualité et des personnages fouillés. Presque une pièce de théâtre au fond, compte-tenu d’un décor qui se limite à leur seul lieu de vie cerclé par la neige qui ne cesse de tomber.

Une histoire de survie et un roman de l’intime, le livre idéal à savourer en cette saison.

Né au Québec, en 1982, Christian Guay-Poliquin est doctorant en études littéraires. Le Poids de la neige, grand succès au Québec, a été distingué par plusieurs prix prestigieux.

La cabane de W.Paul Young

Ce livre m’a été offert par ma belle-maman à Noël qui attendait avec impatience d’avoir mon retour. Je ne l’ai pas lu de suite parce que, j’ai honte de l’avouer, je ne le trouvais pas très beau et donc pas attirant.

La forme n’est certes pas sensationnelle, mais le fond est en revanche magique, j’oserais même le terme d’exceptionnel.

Roman chrétien écrit en 2007, véritable succès aux USA à sa sortie, plus de vingt millions d’exemplaires vendus dans le monde, adapté au cinéma en 2017 (film que je n’ai pas vu), ce livre m’a énormément touchée, spirituellement parlant.

L’histoire commence par la description d’une famille américaine assez classique au demeurant, unie, a priori protestante, cinq enfants. Lors d’un séjour au camping près d’un lac, leur petite fille dernière est enlevée puis tuée dans une cabane par un tueur en série non identifié.

Quatre ans plus tard, le père découvre dans sa boite aux lettres une invitation à passer seul un week-end dans cette cabane. Intrigué, et encore fou de chagrin, il décide de s’y rendre et vivra là une expérience spirituelle hallucinante : rencontrer la Trinité. De l’expérience de la douleur qui jaillit de la première partie du récit, vient petit à petit s’insérer l’expérience toute simple de la vie spirituelle, où Dieu, Jésus et le Saint-Esprit viennent tour à tour, sous une forme surprenante que le lecteur découvrira, apprendre à ce père foudroyé de colère et de chagrin, l’amour de Dieu, le pardon, la vie éternelle, l’origine du mal, la liberté, en résumé l’essentielle de la vie chrétienne.

Le fond et la forme peuvent sembler simples à ceux qui lisent dans le texte la Somme de Saint Thomas d’Aquin, mais je peux vous assurer que le fond est loin d’être simpliste (bien que cela ne soit pas un livre de théologie qui serait exempt de toute critique à ce titre, je préfère préciser…). Un livre à mettre entre toutes les mains de ceux et celles, croyants ou incroyants, en quête ou emplis d’interrogations, qui veulent toucher du doigt cet amour infini du Père qui semble si incompréhensible face aux réalités de ce monde.

Une très belle découverte qui happe vers le Haut et touche au cœur, où l’Essentiel est dit et transmis.

Paul Young est né en 1955. Il est marié et père de six enfants.

Un temps pour se taire de Patrick Leigh Fermor

Un petit bijou que ce bref récit à la langue remarquable qui nous entraine sur les traces du monachisme, chez les bénédictins de l’abbaye de Saint-Wandrille, puis de Solesmes jusqu’aux cisterciens de la Grande Trappe. L’écrivain nous dévoile l’essentiel de la vie dans ces abbayes. « Après le postulat initial de la foi sans laquelle la vie d’un moine serait une farce intolérable, le facteur dominant de l’existence monastique est la foi dans la nécessité et l’efficace de la prière. »

Ecrit en 1957, cet ouvrage fut maintes fois réédité, ce qui lui vaut d’avoir aujourd’hui deux préfaces de l’auteur à des périodes différentes pour notre plus grand plaisir.

Je n’arrive plus à me souvenir qui a écrit récemment que ce livre était pour lui un chef d’œuvre, voire la quintessence de l’œuvre de cet auteur. Si ces mots ont été à l’origine de cet achat puis de sa lecture, je comprends que ceux de Patrick Leigh Fermor, à la fois si sensibles, raffinés et pénétrés de ce qu’il découvre au sein de ces monastères, aient pu susciter de nombreuses vocations, comme j’ai  pu le lire par ailleurs.

Un bijou de littérature spirituelle.

Patrick Leigh Fermor (1915-2011) est un écrivain et voyageur anglais, ancien officier des Services spéciaux de l’armée britannique en Crète durant la Seconde Guerre mondiale. En dehors de ses voyages, il partagea sa vie entre la Grèce et l’Angleterre. Ses nombreux livres révèlent un écrivain d’une merveilleuse érudition, profondément attaché aux langues et cultures.

Vus

Je suis allée deux fois au théâtre la semaine dernière, mais rien de notable pour en faire l’apologie ici.

En revanche, j’ai vu deux films remarquables au cinéma.

L’Apparition de Xavier Giannoli

Et Jusqu’à la garde de Xavier Legrand

Ecoutés

Vous aurez compris que l’hiver me semble long comme un jour sans pain.

Une cure de printemps, d’été ou d’automne est de bon aloi, surtout en compagnie du sublime Giuliano Carmignola et de l’orchestre baroque vénitien d’Andrea Marcon, qui ont rendu ses lettres de noblesse à ces morceaux associés à de la musique d’attente.

A consommer sans modération.

 

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