Le musée Nissim de Camondo

Comprenant assez rapidement que je rêverais de travailler sur une table Louis XVI avec une jolie lampe de bibliothèque plutôt que sur cet affreux mobilier dont on nous gratifie dans les entreprises, mon patron bien-aimé m’a chaudement recommandé  à plusieurs reprises d’aller visiter le musée Nissim de Camondo qui se trouve être à deux pas de nos bureaux.

Je connaissais déjà le magnifique musée Jacquemart-André qui est également dans mon quartier professionnel et dont j’ai eu l’occasion de parler dans un précédent billet, mais, me disait-il, le musée Nissim de Camondo devrait vous plaire davantage.

Profitant d’une accalmie professionnelle, je me suis donc offerte aujourd’hui une escapade méritée entre midi et deux pour aller dans ce lieu tant vanté, en compagnie d’un de mes amis et néanmoins collègue de travail (le fameux homme mythique).

Et ô combien il a eu raison !

Ce musée, hôtel particulier de la famille Camondo, est un véritable petit bijou.

Evoquant le Petit Trianon de Versailles, il fut édifié, en lieu et place de l’ancien hôtel de famille, au début du XXème siècle par l’architecte René Sergent dans l’esprit aristocratique du XVIIIème siècle mais avec tout le confort moderne de l’époque (électricité, chauffage central, ascenseur, salle de bains, toilettes séparées, cuisine, office…).

Autant dire que possédant une certaine accointance avec les Camondo pour l’art du XVIIIème siècle, tout en ayant adoré vivre durant cette période fin XIXème, début XXème, je suis tombée en pâmoison. D’aucuns me diront qu’il est fort probable qu’à cette époque j’aurais plutôt été soubrette que comtesse. Certes ! en même temps, au pays des fantasmes et des rêveries, il me semble autorisé de m’imaginer plutôt en épouse d’un Jacquemart ou d’un Camondo à tenir des salons littéraires le jeudi et à courir les salles de vente, plutôt qu’en gouvernante.

La visite dans ce cadre est donc un enchantement, et chaque pièce, que ce soit la cuisine, les salons, la bibliothèque ou les chambres est exceptionnelle : les boiseries, les parquets, les tentures, les tableaux, les objets, les tapis, les meubles, la vaisselle, tout est absolument sublime, raffiné, harmonieusement disposé, et dans des espaces à taille humaine et chaleureux.

Un lieu incroyable à découvrir dont il ne faut pas se priver, d’autant que le ticket d’entrée est très modique.

Pour comprendre l’esprit de ce musée, je ne peux pas ne pas évoquer rapidement le destin à la fois remarquable et funeste des Camondo.

Originaires d’Espagne d’où ils sont chassés par l’Inquisition, les Camondo s’établissent un temps en Italie, puis à Constantinople où ils fondent une banque au début du XIXème siècle. Anoblis par Victor-Emmanuel II, roi d’Italie en remerciement de leur soutien financier lors de la réunification de son pays, les frères Abraham et Nissim de Camondo s’installent à Paris sous le Second Empire, dans deux hôtels particuliers mitoyens en bordure du parc Monceau.

A la génération suivante, Isaac, fils d’Abraham, se passionne pour l’Art d’Extrême-Orient, le XVIIIème siècle français et la peinture impressionniste. Sans héritier, il fera don d’une grande partie de ses œuvres au musée du Louvre.

Moïse, fils de Nissim, se consacre quant à lui presque exclusivement à l’art décoratif du XVIIIème siècle dont il réunit une collection exemplaire. Il aura deux enfants, Nissim, mort au combat pendant la première guerre mondiale, et Béatrice, qui fut déportée et décédée au camp d’Auschwitz en 1945, avec son époux Léon Reinach et ses deux enfants.

Décédé le 14 novembre 1935, Moïse de Camondo indique explicitement dans son testament :

« Désirant perpétuer la mémoire de mon père le comte Nissim de Camondo et celle de mon malheureux fils, le lieutenant pilote aviateur Nissim de Camondo, tombé en combat aérien le 5 septembre 1917, je lègue au musée des Arts décoratifs mon hôtel tel qu’il se comportera au moment de mon décès. Il sera donné à mon hôtel le nom de Nissim de Camondo, nom de mon fils auquel cet hôtel et ses collections étaient destinées. En léguant à l’Etat mon hôtel et les collections qu’il renferme, j’ai en vue de conserver dans son intégralité l’œuvre à laquelle je me suis attaché de la reconstitution d’une demeure artistique du XVIIIè siècle. Cette reconstitution doit servir dans ma pensée à conserver en France, réunis en un milieu spécialement approprié à cet effet, les plus beaux objets que j’ai pu recueillir de cet art décoratif qui a été une des gloires de la France, durant la période que j’ai aimée entre toutes. »

Le musée sera inauguré le 21 décembre 1936.

2 réponses
  1. Etienne
    Etienne dit :

    Chère Elvire,
    à nous donner de telles indications, non seulement nous profitons de votre émerveillement et de votre enthousiasme pour ces chefs d’œuvre, mais vous faites en sorte que l’éteau se resserre autour de votre lieu d’exercice professionnel !
    Et sinon, je m’inquiète de votre âge réel, car je crois lire que vous avez vécu fin XIXe début XXe…
    Ceci pour vous taquiner bien sûr, car la gourmandise indéfectible de votre regard, sa fraîcheur, et le plaisir que vous manifestez à partager avec vos fidèles ce que vous découvrez témoignent bien d’une jeunesse de coeur et d’âme qui vous resteront longtemps encore avant que la nôtre ne revienne…
    Fidèlement vôtre.
    Etienne

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