Les huit montagnes de Paolo Cognetti
« Mon père avait une façon bien à lui d’aller en montagne. Peu versé dans la méditation, tout en acharnement et en bravade. Il montait sans économiser ses forces, toujours dans une course contre quelqu’un ou quelque chose, et quand le sentier tirait en longueur, il coupait par la ligne la plus verticale. Avec lui, il était interdit de s’arrêter, interdit de se plaindre de la faim, de la fatigue ou du froid, mais on pouvait chanter une belle chanson, surtout sous l’orage ou en plein brouillard. »
Dans la suite des billets consacrés aux sorties littéraires de la rentrée dans la section « livres profanes » (j’adore cette expression en vigueur à la Procure), place aujourd’hui au roman du jeune Italien Paolo Cognetti, « Les huit montagnes ».
Déjà publié pour un Carnet de montagne intitulé Le Garçon sauvage et quelques nouvelles, Paolo Cognetti est aujourd’hui encensé par la critique italienne.
Considéré comme un véritable phénomène littéraire en Italie, ce premier roman a reçu le Prix Strega Giovianni en juin 2017 (l’équivalent italien du Goncourt des Lycéens) et le Prix Strega (le Goncourt italien) en juillet 2017
Il y a fort à parier que cet écrivain recevra un accueil aussi favorable en France, car Paolo Cognetti nous offre à roman à son image, dont le cœur est la montagne, âpre, rude, belle, sans concession, terreau de l’initiation, de l’amitié et de la filiation.
Immergé en pleine nature, ce livre se lit comme une montée périlleuse vers les hauteurs qui se méritent, où surgissent à chaque page des plaines gelées ou verdoyantes, la verdure, la forêt, les alpages, les chamois, les baïtes, les cimes, les neiges éternelles, ses sources et ses lacs, ses chemins de pierrailles et ses montagnards.
Paolo Cognetti réussit la prouesse de nous tenir en haleine au rythme de ses ascensions vers les sommets, de ses randonnées solitaires, de son aspiration à vivre éloigné de toute contrainte de la vie citadine au travers de ces deux garçons, Pietro et Bruno, dont l’amitié, qui nait lors des vacances de Pietro dans la maison louée par ses parents chaque été à Grana dans le Val d’Aoste où vit le jeune Bruno, perdurera et s’approfondira au fil des années.
Car si la montagne est le cœur de ce roman, l’amitié, si belle et sincère entre ces deux enfants devenus adultes, en est le poumon et les pages les plus émouvantes sont celles qui ont trait à cet attachement viscéral et réciproque qui se passe de mots, forgée par les souvenirs communs et un lien aux parents de Pietro qui ont dès le début considéré Bruno comme le leur, alors même que Pietro entretenait avec son père une relation des plus compliquée au point de ne plus le voir les dix dernières années qui ont précédé sa mort.
Le plus bel héritage de son père sera une ruine en plein cœur de la montagne que Pietro rebâtira avec Bruno, occasion de resserrer des liens d’amitié distendus par le temps et de mieux comprendre, à travers Bruno, son propre père.
Les férus de montagne et d’amitiés fortes ne pourront qu’être séduits pas cet ouvrage.
Même ceux d’ailleurs qui, comme moi, admirent ces vies de solitaire et de montagnards, sans toutefois être capables de les vivre.
Né en 1978, Paolo Cognetti s’est installé seul il y a dix ans dans les Alpes pour écrire.
Voici deux billets que j’ai lus entre des déplacements trop nombreux. Clairs et justes, ils font ma joie.
Superbe analyse qui, comme le dit Gustave, donne envie de partir en voyage, vers les sommets !
Quelle invitation au voyage. Billet grâce auquel on se sent immergé dans cette nature belle et aride. J’adore vos écrits Elvire