Triste tigre de Neige Sinno

« Il disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait, il disait que son souhait le plus cher était que je l’aime en retour. Il disait que s’il avait commencé à s’approcher de moi de cette manière, à me toucher, me caresser c’est parce qu’il avait besoin d’un contact plus étroit avec moi, parce que je refusais de me montrer douce, parce que je ne lui disais pas que je l’aimais. Ensuite, il me punissait de mon indifférence à son égard par des actes sexuels. »

Encore un livre sur l’inceste me direz-vous. Certes ! ce sujet nous inonde, dégouline des pages littéraires, et font bien souvent les prix et les succès d’hier et d’aujourd’hui. Et pourtant, il serait dommage de passer à côté de cet ouvrage qui vous saisit par le côté ciselé et extrêmement distancié, quoique personnel, avec lequel Neige Sinno saisit le lecteur. Nous ne sommes pas voyeurs, mais plutôt un juré de cour d’assises convié à saisir dans un temps très court, celui de la lecture, un pan de vie, où divers protagonistes sont victimes, bourreaux, parfois eux-mêmes victimes, le tout dans un cadre fermé où pourtant ni les proches, ni même la mère, n’ont réussi à déceler le moindre indice d’alerte.

Il faut du recul pour écrire un tel livre où la victime est aussi écrivain, où la plume n’a aucune vertu thérapeutique mais bien celle de dire, d’interroger, de nous saisir sur la notion de déni, d’aveuglement, de silence, sur la vie d’avant, pendant, et celle d’après.

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Créé pour la grandeur d’Alexandre Dianine-Havard

Le leadership comme idéal de vie

« Je pense à tous ces gens qui ont énormément reçu dans l’existence – parce qu’ils ont connu la chaleur d’un foyer, parce qu’ils ont eu un père et une mère qui les ont aimés et qui les ont éduqués ensemble dans la vérité, la liberté et la vertu – et qui pourtant, pour une raison ou une autre, n’ont pas encore saisi l’ampleur de leurs responsabilités devant Dieu et devant les hommes. C’est à ces hommes et à ces femmes, jeunes ou moins jeunes, que je dédie cet ouvrage.« 

Sorti en 2022, ce petit opuscule est tombé entre mes mains tout récemment et mérite amplement de trouver sa place dans ce blog. Devenu la figure incontournable du leadership vertueux, Alexandre Dianine-Havard nous rappelle que chacun d’entre nous sommes créés pour la grandeur, une vie authentique placée sous le signe de l’épanouissement de la personnalité humaine et basée sur les vertus.

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Le discernement de François Bert

A l’usage de ceux qui croient qu’être intelligent suffit pour décider.

« Il ne nous sera pas reproché au seuil de notre mort de n’avoir pas permis que le monde soit parfait mais de n’avoir pas pris notre part pour qu’il soit juste et habitable sur la parcelle qui nous revient. Plus on avance dans la vie, plus on découvre à quel point, avec tout le talent et la bonne volonté du monde, on est vraiment efficace quand on agit au bon endroit et au bon moment. Il se fait une sorte de démultiplication de notre action parce qu’elle vient dans un axe d’opportunité, dans un alignement à des facteurs qui la dépassent. Ce positionnement juste procède de l’écoute. »

Dans un monde où la communication et l’analyse des experts sont devenues le baromètre de la justesse de toute décision politique ou entrepreneuriale, alors même que le réel se meurt du décalage de plus en plus marqué d’avec le discours et que l’émotion et l’instantané dissolvent toute vision constructive, il est nécessaire, voire indispensable de retrouver les clés de l’exercice du discernement et de faire advenir de vrais chefs.

François Bert, dont le métier et la plume sont consacrés depuis de nombreuses années à ce sujet, ne s’y trompe pas : si nous continuons à privilégier des analystes plutôt que des décideurs et à biaiser la réalité par des idéologies hors sol, toute décision est vouée à plus ou moins court terme à l’échec, avec comme corollaire de ne jamais remettre en cause la décision mais les hommes qui ont pour mission de la mettre en œuvre.

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L’arrière-petit-fils et autres nouvelles de Jonathan Sturel

« La politique est un jeu excitant lorsqu’il se joue dans les alcôves, les salons et les Chambres et tous ici prenaient volontiers part à ce jeu, mais qu’une flaque de sang macule le sol, qu’un enfant soit étouffé par une foule ou qu’une femme périsse sous l’assaut d’une canne à pommeau dur, et subitement les cœurs s’émeuvent. (…) Personne ne prit la peine de remarquer que Maximilien, qui venait de conter la situation tragique de cette femme, ne lui avait manifestement pas davantage porté assistance que ceux dont il venait de critiquer le comportement pour cette même raison. Malgré son jeune âge, il s’était déjà laissé complètement conquérir par l’esprit salonnard : pour lui, la rue et ceux qui s’y trouvent, peu importe la cause qu’ils défendent et le parti qu’ils prennent, ne sont qu’un engrenage d’une mécanique que l’on commande depuis les coulisses. »

Les amoureux, de la génération actuelle, des livres, des grands auteurs, de l’Histoire et des idées, qui se prêtent à l’exercice de coucher leurs propres mots dans des romans ou nouvelles ont en commun le goût et le désir de nous éveiller à la grandeur de la France telle qu’elle a pu les faire vibrer. Hommage et admiration affleurent dans leurs écrits, mais les meilleurs d’entre eux, sur le plan littéraire, dépassent cette nostalgie palpable pour en faire l’écrin de destinées humaines qui s’inscrivent sans effort dans le monde moderne pour en comprendre les rouages éternels.

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La chasse au cerf de Romain Debluë

« C’est une grave erreur de croire que la foi chrétienne est tout entière un réconfort. Le chrétien est au monde celui qui souffre de la façon la plus aiguë, parce qu’il connait l’enfer qu’est la condition des hommes sans Dieu. Le chrétien souffre par et pour tous ces frères qui s’ignorent souffrants, et se badigeonnent de mensonges destinés à dissimuler leur détresse. Sais-tu ce qu’est la joie ? Je définis la joie comme cette lumière dans laquelle soudain je vois avec certitude que cet objet, cet instant, cette vie, cette femme, m’était destinée. Paul comprenait à présent cette détresse qui l’enserrait. Son amour ne s’était pas heurté à la simple médiocrité d’une écervelée vaine, non. Il aimait une âme, haute, noble, intelligente et douce, mais sabotée du dedans par elle-même, décidant et désirant d’errer en dessous d’elle-même, par crainte d’être un jour contrainte par sa propre dignité d’admettre la possibilité d’un autre monde qu’absurde, et désespéré. »

En 1952, François Mauriac recevait le prix Nobel en raison de « la profonde imprégnation spirituelle et l’intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine. »

Je ne peux résister au désir de paraphraser cet hommage en vue de partager aux futurs lecteurs, que j’espère nombreux, l’impression ressentie à la lecture du livre de Romain Debluë, qui m’a émerveillée par « la profonde imprégnation spirituelle et l’intensité de la pensée avec laquelle ce roman pénètre le cœur et la conscience des hommes d’un monde sans Dieu ».

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Un vent les pousse de Frédéric Bécourt

« Assigné par son âge, son sexe et ses origines à une communauté dont on attendait désormais le silence, ou tout au moins la retenue, Gilles persistait à penser à voix haute. Son point de vue universaliste, devenu minoritaire et ringard, n’intéressait personne. Pour autant, il se considérait encore comme un Français tout à fait habituel, indissociable du nombre. Absorbé par ses livres et son rôle de père, il s’était peu à peu coupé du monde, c’était évident, mais surtout il ne l’avait pas vu changer. »

Dans la série des romans d’anticipation qui ne seraient pas si terrifiants s’ils n’annonçaient pas une réalité déjà en germe, il convient de rendre hommage au livre de Frédéric Bécourt qui décrit avec talent la pulsation idéologique de notre temps qui nous conduit inexorablement vers un monde bicéphale où le tempo de certains, parfaitement accordés sur ce rythme digne du boléro de Ravel, radicalise et marginalise de fait ceux qui tentent de s’en extirper.

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Les lieux où souffle l’esprit

Il est un lieu où j’ai longtemps rêvé de pouvoir y poser mes valises de façon ponctuelle comme lieu de villégiature mais pérenne au sens de s’y sentir chez soi par la possession d’une petite maison qui serait nôtre et nous ressemblerait.

Nichée dans une des innombrables ruelles fleuries, non loin de la plage, elle porterait le nom de Vive Ama, en hommage à Victor Hugo qui avait fait inscrire cette devise sur un banc que nous trouvons dans sa maison de la Place des Vosges.

Pour y parvenir, il nous faut prendre le train jusqu’à La Rochelle puis monter dans le bus qui nous permet de traverser le pont pour rejoindre cet espace insulaire. Déjà, nous sommes saisis par un air de vacances, un soupçon d’esprit d’aventure, les sacs jetés dans la soute, le front posé sur la vitre pour savourer cette envie d’ailleurs. Il nous faut ensuite entrer dans le temps long des arrêts et des paysages qui défilent et s’impriment en nous, prenant la place de la vie citadine, le corps et l’esprit tendu vers ce lieu familier qui regorge de tant de souvenirs. Nous descendons à l’arrêt de la Vierge qui portait si bien son nom jusqu’à ce qu’une bande de laïcards hystériques obtienne son retrait. Le socle vide est toujours là et une tristesse nous étreint l’âme à la vue de cette vacance inqualifiable. Mais très vite, agglutinés sur le trottoir, munis de nos valises promptement récupérées, il nous faut remonter les ruelles direction le port. Les roulettes tressautent sur chaque pavé et leur bruit réitératif, qui se dispute le silence improbable avec les sonnettes des vélos, annoncent que ça y est, nous y sommes enfin, qu’une fois les clés récupérées et les formalités accomplies, nous pourrons prendre possession des lieux, se distribuer les chambres et vérifier quelles sont les nouveautés et ce qui est resté immuable.

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En marchant de Patrick Tudoret

Petite rhétorique itinérante.

« J’ai toujours été d’accord avec Gracq pour penser que le rêve, la rêverie, sont « un état de tension accrue plus qu’un laisser-aller ». C’est même pour moi, une exacte définition de la marche. Une mise en tension dans l’acception la plus forte, la plus noble du mot. (…) Il est vrai qu’il y a dans la marche en solitaire quelque chose en plus : une ascèse, un élan qui tend vers soi et la puissance de soi, mais renvoyant à la plus stricte humilité. Marcher fait de nous un être fort, tendu vers un but, mais aussi un être seul, et faible à ce titre. (…) Et si la marche était cette stabilité en mouvement qui permettait de concilier à la fois l’immobilité, disons la profondeur de la pensée, et le mouvement lui-même. La rêverie qu’elle permet est puissamment créatrice. »

Patrick Tudoret, ce fut d’abord L’homme qui fuyait le Nobel en 2016 (ici ), puis Fromentin en 2018 (ici), et Juliette Drouet en 2020 (ici).

Aristocrate des mots, tel était le qualificatif qui m’était venu alors en le lisant, et ce n’est pas pour rien si c’est probablement l’auteur que j’ai le plus chroniqué sur mon blog.

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La chambre de l’âme de Paule Amblard

« Cette histoire ne prend pas fin. La lecture d’un manuscrit s’arrête et les jours d’hôpital sont clos. Et pourtant, la maladie nous a laissé sa marque d’amour, intensément. Pendant cette période, je n’ai pensé à rien, à part demeurer auprès de ma « sœur amazone ». J’ai été témoin. Impuissante et présente. J’ai vu la solitude ressentie par celle dont le corps est faible et douloureux et son sentiment d’être abandonnée. Sans pouvoir y remédier. Dans ce dur creuset de la maladie, nous naissons. La maladie peut faire naître l’amour. Je sais, comme ma sœur, qu’il est plus fort que la mort. (…) Cette interruption de nos trajectoires fut le lieu de notre rencontre. Ce qui saigne peut être blessure divine et donner un supplément de vie »

Un coup de fil du paternel un soir de semaine m’enjoignit de regarder en replay la dernière émission de l’Esprit des Lettres avec cette indication (que je prends comme une magnifique marque d’amour, car elle signifie en creux qu’il me connait bien et y contribue) : « deux invités devraient te plaire et te toucher ».

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Le rond de serviette est-il de droite ? de Richard de Seze

« Notre époque est devenue si habile à déceler le politique qu’il n’est plus nécessaire de discuter et que chacun sait à quoi s’en tenir en quatre phrases et trois références : tel est de gauche, telle est de droite, nous sommes frères ou nous sommes ennemis selon que vous aurez cité Althusser ou Saint-Exupéry, apprécié La première gorgée de bière ou vanté Voyage au bout de la nuit. (…) Evidemment, des termes comme « nation », « patrie », « honneur » et « gaullisme » sont de droite et suffisent à marquer celui qui les utilise, alors que « dignité », « progrès », « éthique » et « républicain » sont de gauche, surtout quand il s’agit de parler de la GPA éthique et de tenue républicaine. »

Le clivage de nos sociétés est aujourd’hui si ancré dans nos rapports à l’autre, qu’il rend politiques les objets les plus insignifiants en apparence. Insignifiants, certes en apparence, quant à leur portée philosophique, métaphysique ou même économique mais extrêmement signifiants en ce qu’ils disent au fond quelque chose de notre rapport au monde.

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