Le resto des vacances

Chercher un havre de paix dans un coin reculé privé de toute connexion et de vie citadine était un pari osé. Je l’ai tenté, il a été brillamment relevé, mais qui dit coin reculé dit adieu petits bars et restos au bord de l’eau, adieu sorties nocturnes et adieu les plaisirs alimentaires.

Si ce n’était l’inénarrable épicerie du coin où trois tranches de jambon se battent en duel avec 4 pauvres saucisses, et encore quand elle n’a pas été dévalisée, vous en viendriez presque à regretter votre Monoprix Gourmet.

Tels les aventuriers de Koh-Lanta craignant la disette, nous avons initié un rationnement draconien de nos réserves, et nous fûmes si brillants en ce domaine que nous avons même réussi à sauver une boite de raviolis et un reste de riz. A 38 ans, j’ose l’avouer, je n’ai jamais été aussi heureuse que de retrouver le plaisir de savourer religieusement et parcimonie nos madeleines aux œufs frais Saint Michel – nos madeleines de luxe- en guise de dessert, le sachet d’un kilo ayant tenu la semaine.

Autant dire que nous avions de temps à autre légèrement les estomacs dans les talons et lorsque nos nuits ont commencé à se peupler de poulets rôtis et steaks saignants, nous nous sommes dits qu’il était temps d’aller au restaurant.

Mais trouver un restaurant dans un village perdu de vacances relève de la gageure.

En petits parisiens pétris de certitudes que nous sommes, nous pensions naïvement que l’été étant le mois du chiffre d’affaires de l’année, petits plats seraient mis dans les grands et que les horaires d’ouverture seraient XXL.

Fi diantre ma petite dame, nous sommes dans le sud ici, tranquille, tranquille. On ouvre quand on veut et les horaires, c’est pour les touristes.

La petite ville médiale s’est transformée durant trois jours en Woodstock le temps d’un festival de hippies (ou de rave-party déguisée comme disent les locaux) : les restaurants ont fermé quatre jours dans la foulée pour remise en forme.

Entre ceux qui qui n’ouvrent pas le mardi ou le dimanche, ceux qui affichent « fermé le jeudi »  mais ferment le mercredi, ceux qui n’ouvrent que le soir ou le matin, ceux dans lesquels vous ne pouvez déjeuner sans avoir réservé, les vacances peuvent s’écouler avant que vous ne compreniez la subtilité des us et les coutumes du système d’ouverture et des heures de service.

Le second service on oublie, après c’est la sieste.

Les restaurants du guide du routard on oublie donc aussi, car ils ne riment pas avec « imprévu ».

Heureusement, il reste l’indétrônable restaurant PMU, celui qui est toujours fidèle au poste, avec ses napperons colorés criards, ses verres Duralex de cantine avec votre âge au fond, ses panières de pain en plastique, ses fleurs éternelles dans le soliflore figées dans du sable rose et la serveuse dodue en legging avec les cheveux relevés en couette improbable sur le dessus de la tête tellement tirée qu’elle lui provoque un lifting naturel du visage.

Ayant l’incongruité de se pointer généralement autrement que par deux ou quatre, les vacanciers perdus comme nous provoquent en général des petits remous à l’effet papillon au moment de l’addition :  les tables se déplaçant sans cesse en fonction des arrivées, relier la nouvelle disposition avec le plan numéroté sur la porte est un casse-tête chinois : « c’est vous les salades du jour et les bières ? » « heu… non ». « Ah oui, vous ce sont les entrecôtes ! » « Ah non, non plus ….Nous ce sont les magrets que vous aviez déposés à la table à côté. En revanche nous avons trois carafes, vous pouvez en reprendre une pour la table de devant qui l’attend avec impatience. »

« Vous avez terminé ? je peux débarrasser ? »

Nous sentons l’envie de donner du style dans le portage des assiettes mais si par malheur l’assiette ronde ne s’emboite pas dans celle rectangle à bords relevés déjà calée sur le bras, nous assistons à un empilement qui ferait frémir n’importe quelle mère de famille pour son service du dimanche.

Le voisin tatoué ne manque pas de vous faire remarquer que vous n’avez pas terminé votre assiette, tout en demandant à la serveuse en nage pourquoi son café n’est pas accompagné d’une gâterie. Devant la tête effarée de cette charmante demoiselle, quelques explications de vigueur se sont imposées : » un biscuit ? un chocolat ? » « Ah non monsieur, pas de gâterie ici. »

Au restaurant PMU, entendez bien, pas de gâteries messieurs. Dommage pour moi, je rêvais de chocolat !

Le chien d’un couple âgé assis derrière nous fut pris en cours de repas d’une frénésie d’aboiements intempestifs à la vue d’un de ses congénères. « Mets le dans la voiture Simone ».

Notre tatoué en verve, empli d’un esprit citoyen, se retourna et rappela à la pauvre Simone qu’enfermer son chien dans la voiture est désormais interdit et que quiconque est en droit de briser la vitre pour le faire sortir.

« Et si je laisse la fenêtre ouverte », gémit notre brave Simone

« Ah ça je ne sais pas mais si tout est ouvert, il va pas rester longtemps dans la voiture votre chien vu comme il s’agite ! »

Oh que les vacances ont du bon.

A Paris, j’aurais probablement été hystérique !

A Triffouillis les Oies, j’ai trouvé cela truculent et jamais magret ne fut autant apprécié.

 

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