L’appel des oliviers de Françoise Evenou

« Non Francisco n’était pas un fou ; c’était un cœur pur, vouant sa vie à Dieu, et son âme le réfléchissait comme un miroir. Il veillait et priait sans cesse. Et l’homme qui chemine avec Dieu s’abandonne totalement et avec confiance entre les mains du Père, se sent libre, et n’a rien à craindre, n’est dominé par rien. Alvaro, qui avait mis toutes ses forces et sa confiance en lui seul, refusé toute autre loi que la sienne, découvrait que l’homme qui ose s’abandonner à un Autre que soi puise sa force à la source de la Vie. (…) Comme la bonté et la joie, la paix est contagieuse.

Françoise Evenou est venue à moi il y a environ deux semaines et m’a demandé si elle pouvait m’envoyer son livre. Trois petits clics sur internet rapides, son sourire lumineux qui s’affiche, Salvator en éditeur, et j’ai dit oui évidemment, touchée par cette marque de confiance.

Exercice délicat cependant qui m’a rendue fébrile car c’est une chose de parler de livres que je choisis, cela en est une autre de lire ceux qui me sont envoyés, surtout par l’auteur directement.

Je me suis donc interdit de lire tout commentaire au préalable pour ne pas être influencée, et laisser les mots œuvrer tout seuls, cheminer au cœur ou glisser de façon indifférente.

Le livre n’est pas très épais, 135 pages seulement imprimées en gros caractères, une photo d’oliviers en première page, au pire me suis-je dit, s’il ne me plait pas, il sera vite lu.

Il a été vite lu en effet mais quel cadeau ce livre ! Françoise Evenou bénéficie d’une période où je dois être toute sensibilité exacerbée, car je l’ai refermée très émue. Non point que je sois de nature insensible, mais je suis plutôt en émotions contenues, et il faut vraiment entrer dans la petite fenêtre de tir au moment opportun pour que je laisse libre cours à quelques montées lacrymales.

Revisitant l’histoire de Caïn et Abel et la parabole du fils prodigue, Françoise Evenou nous délivre, en plein cœur de l’Andalousie, de ses haciendas, de ses oliviers, de ses montagnes, un magnifique récit de cheminement spirituel ancré dans les liens fraternels. Sujet intemporel s’il en est un qui remonte aux premiers récits de la Bible, qui traverse toutes les familles, de toute époque, et qui replace tout un chacun face à sa propre vérité qui ne peut se révéler que dans l’intimité et le dépouillement de son cœur.

« Tout ne tient qu’à l’amour de l’autre, tout ne tient qu’à un souffle, (…) deux âmes communiaient, entrelacées, reliées au souffle de la Vie, (…), c’était le regard de l’amour, une éternité gravée pour toujours au plus intime de l’être, (…) je t’attendais. »

Ces quelques mots, reliés ici mais émaillés dans le récit, sont la clé de la conversion intérieure. La jalousie, l’envie, l’orgueil, la suffisance sont autant d’obstacles à se laisser toucher ou percevoir l’amour du prochain et à le donner en retour.  La blessure, le sentiment d’injustice peuvent être réels mais quelle place leur laisser dans nos vies ?

Alvaro règne en maitre incontesté sur son hacienda, mais lorsque son frère revient à la demeure, devant la joie de son père, Alvaro part, broyé par la jalousie, après l’avoir roué de coups. Ses pas le porteront au désert, après avoir croisé Carmen qui le transpercera par son seul regard en dansant le flamenco, où il entamera sa transformation intérieure, irradié par la bonté d’un ermite.

« Aucune rencontre d’un être que nous faisons au cours de notre vie ne se passe d’un sens secret », nous dit Martin Buber.

Les larmes d’adieu cachées de l’ermite quand il est temps pour lui de partir, les larmes d’amour de son père quand il revient, le « Je t’attendais » de son frère, sont bouleversants.

Françoise Evenou, en touchant à l’universel, parle de nous, qui sommes tous à un moment de nos vies, des Cain ou des Abel, des fils ou des filles prodigues ou bouffi (e)s d’orgueil

Une très belle découverte et rencontre de la rentrée.

Je rajoute cette citation, qui était dans le livre, que je trouve très belle.

« Habiter à deux dans un cœur : je dois me tenir à l’écart, me faire tout petit, afin que l’autre ait de la place et ne sente pas à l’étroit. » Hans Urs von Balthasar.

Françoise Evenou, après avoir dirigé une activité de conseil en communication et travaillé au sein de grands groupes internationaux, a suivi des études de théologie et de philosophie pour nourrir sa quête de sens. Elle a publié en 2015 La Rencontre (Éditions Nouvelle Cité) dans lequel elle raconte son itinéraire spirituel, suite à la mort de son père.

4 réponses
  1. Raphaël
    Raphaël dit :

    Chère Elvire, quel ravissement de vous lire et de sentir au travers de ces lignes votre naturel et votre pudeur. Votre peur d’être déçue et de devoir l’ecrire J’espère avoir prochainement le plaisir de mettre un visage sur ces mots délicats

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  2. Gustave
    Gustave dit :

    La démarche est chouette ( vous envoyer le livre) et à l’extrait qui ouvre le billet je comprends instinctivement qu’il vous ait touchée ce livre…

    Sans les guillemets vous auriez pu les écrire ces lignes tant je vous entends les répéter!

    Très beau au demeurant ce que vous en dites

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