La grâce de Thibault de Montaigu

« Alors, j’ai senti en moi, une minuscule fleur de lumière qui commençait à grandir. Qui s’épanouissait au son des notes. Se répandait à travers ma poitrine. Irradiait ma gorge et mon crâne. Jusqu’à emplir tout l’espace. Dieu était là, à l’intérieur de moi et derrière toute chose. Ici et nulle part à la fois, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, immergé dans l’univers et l’univers immergé en lui… Alors je me suis mis à pleurer comme jamais de ma vie. Les hymnes montaient aux cieux et je me sentais littéralement déchiré de joie. (…). Et je me demandais s’il me serait donné de la garder en moi vivante. »

Prenez un écrivain à la plume sans fard, limpide, talentueuse. Rajoutez un récit de conversation personnelle. Mêlez-y une quête sur un oncle devenu franciscain à 37 ans. Mélangez ces deux parcours de vie qui se croisent et se font écho, et vous obtenez un merveilleux récit qui vous happe de la première à la dernière page.

Merveilleux, car oui il y a de l’exceptionnel, de l’extraordinaire dans toute conversion qui fait basculer des destins dans une dimension qui les dépasse, les transforme, les dirige dans une voie qui aurait été inimaginable quelques années auparavant. Il y a quelque chose de prodigieux à lire à travers les mots d’un converti toute la beauté de la Foi, le sens de la miséricorde, la grandeur de l’amour de Dieu qui guérit et qui redresse.

Thibault de Montaigu, touché par la grâce à 37 ans, cherche à renouer avec son oncle paternel qui est franciscain et dont au fond il ne sait pas grand-chose. Mais au moment où leur chemin se croise à nouveau, ce dernier est emporté par la maladie. Alors Thibault va chercher, enquêter, remonter les traces, rencontrer les témoins pour s’apercevoir que son oncle, avant de devenir franciscain, lui ressemblait étrangement : vie mondaine, excès en tout genre, dépression jusqu’à changer radicalement de vie. Mais la robe de bure ne préserve pas des combats intérieurs ni des duretés de la vie qui façonnent, travaillent en profondeur, éprouvent, blessent, jusqu’à l’abandon total envers ce qui nous échappe. Car la vraie liberté est là, sans ce que nous le sachions bien souvent par orgueil, à consentir librement à ce qui nous arrive, à ce que nous devons vivre par amour, simplement.

« Il est sorti de la voie solitaire et aride où l’avait entrainé sa volonté, pour éprouver de nouveau la tendresse surnaturelle qui fait de chaque individu un semblable. Et cette tendresse a pour lui un nom : c’est l’amour de Dieu. »

Thibault de Montaigu n’est pas rentré dans les ordres car il est marié et père de deux enfants, et au fond il parle peu de lui dans ce livre. Toutefois, en liant son destin à celui de son oncle, en le découvrant et en nous le faisant partager à travers son ordre, la figure de Saint François, son parcours de foi, il touche à l’universel qui se fait prière, grâce, mystère et parfois doute au sein de chaque être humain.

Ce livre, c’est le récit du Fils prodigue que nous sommes tous, cette soif d’absolu qui est présent en chaque homme et qui ne demande qu’à être abreuvée. Certaines vies témoignent de la présence de Dieu, de ce « Où es-Tu » que nous cherchons parfois sans savoir où frapper.

Immensément grand, Il sait se faire immensément petit en étant à l’intérieur de nous. Alors, laissons-Lui toute la place pour éprouver nous-aussi cette sensation fulgurante de n’avoir jamais autant été aimés, où tout prend son sens et brille de cette éclatante Vérité.

« Je me suis souvenu de cette phrase de Julien Green où il dit que la grâce est comme un accord parfait au piano, et le péché cette distraction qui soudain nous fait sonner faux. Le péché qui n’est pas la faute, qui n’est pas la tâche, mais le fait tout simplement de tomber à côté. De manquer la note juste. Et combien de fois dans la vie on tombe à côté, et combien de fois dans la vie on ne fait pas attention et l’on commence à jouer de travers. Mais aucune de ces fausses notes n’est grave si l’on sait. Si l’on en revient au visage tendre et sérieux de l’enfant sous les traits duquel, à chaque instant, la grâce attend de surgir. »

Thibault de Montaigu est né en 1978. Il écrivain et journaliste, auteur de plusieurs romans remarqués par la critique.

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