Le discernement de François Bert

A l’usage de ceux qui croient qu’être intelligent suffit pour décider.

« Il ne nous sera pas reproché au seuil de notre mort de n’avoir pas permis que le monde soit parfait mais de n’avoir pas pris notre part pour qu’il soit juste et habitable sur la parcelle qui nous revient. Plus on avance dans la vie, plus on découvre à quel point, avec tout le talent et la bonne volonté du monde, on est vraiment efficace quand on agit au bon endroit et au bon moment. Il se fait une sorte de démultiplication de notre action parce qu’elle vient dans un axe d’opportunité, dans un alignement à des facteurs qui la dépassent. Ce positionnement juste procède de l’écoute. »

Dans un monde où la communication et l’analyse des experts sont devenues le baromètre de la justesse de toute décision politique ou entrepreneuriale, alors même que le réel se meurt du décalage de plus en plus marqué d’avec le discours et que l’émotion et l’instantané dissolvent toute vision constructive, il est nécessaire, voire indispensable de retrouver les clés de l’exercice du discernement et de faire advenir de vrais chefs.

François Bert, dont le métier et la plume sont consacrés depuis de nombreuses années à ce sujet, ne s’y trompe pas : si nous continuons à privilégier des analystes plutôt que des décideurs et à biaiser la réalité par des idéologies hors sol, toute décision est vouée à plus ou moins court terme à l’échec, avec comme corollaire de ne jamais remettre en cause la décision mais les hommes qui ont pour mission de la mettre en œuvre.

La prise de décision issue du discernement ne peut faire fi de deux facteurs : le silence et le contexte. Le silence, c’est investir le temps présent afin d’accorder ses forces et ses ambitions en vue de devenir acteur plutôt que suiveur. Le contexte, c’est tenir compte du réel, pour prendre les décisions qui s’imposent et faire converger les efforts vers leur meilleure utilité. Ainsi, un chef n’est pas celui qui promet, mais celui qui permet.

Un discernement exercé à escient doit ainsi permettre de savoir opérer le tri entre l’urgent et le courant, l’important et le secondaire, et, face aux difficultés, procurer l’intelligence du rebond et l’esprit de victoire. Discerner, c’est pouvoir décider, sans être prisonnier des seuls indicateurs de performance, maintenir un engagement collectif dirigé et constructif, savoir aligner des talents particuliers vers un débouché collectif.

Toutefois, et en ce sens ce livre est particulièrement intéressant, car si comme le rappelle François nous sommes tous appelés à être « prêtre (moteur relationnel), prophète (moteur cérébral) et roi (moteur décisionnel) », les meilleurs leaders ou les meilleurs chefs restent les « rois ». Ainsi, le premier des discernements à opérer est comment repérer les personnalités qui feront les chefs de demain et force est de constater que malheureusement, ce sont les grands exclus des postes de direction, soit parce qu’ils ne sont pas repérés compte tenu des méthodes de recrutement en vigueur, soit parce qu’ils sont volontairement mis de côté, soit parce qu’eux-mêmes ne sont pas éveillés à leur talent propre.

Apprendre à se connaître, c’est accepter de réaligner son action en tenant compte de son talent et de sa temporalité. Discerner, c’est ainsi apprendre à décider pour soi et pour les autres, si telle est sa mission.

1 réponse
  1. ht
    ht dit :

    Billet remarquable dont les premiers mots font mouche… a défaut de rendre ce monde parfait…
    sur la parcelle qui me revient rendre grâce à l’intelligence de ce blog me semble un minimum. Bravo Elvire

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