Histoire d’une enfant de Vienne de Ferdinand von Saar

« Elsa était en vérité d’une beauté surprenante et l’on se rendait compte, une fois de plus, du rôle que joue l’art de bien s’habiller à l’automne de la vie d’une femme. Une robe fourreau bordée de dentelle, ornée de roses pâles près de l’épaule gauche, dégageait harmonieusement sa taille élancée et svelte; ses cheveux lisses et coiffés avec la simplicité qui était au goût du jour, noués sur la nuque en chignon à l’anglaise, la rajeunissaient d’autant plus que l’expression de son visage, en cet instant, n’avait plus rien de maladif. »

Les éditions Bartillat poursuivent, pour notre plus grand plaisir, l’ambition d’offrir au grand public l’accès aux œuvres de Ferdinand von Saar (1833-1906) et, dans la continuité du chef-d’œuvre, Le Lieutenant Burda, publié en 2022 et déjà présenté dans ces pages, c’est à travers le portrait d’une femme que nous entrons cette fois-ci dans la Vienne de la fin du XIXème siècle.

Une nouvelle, presque un roman, qui vient confirmer si besoin était, la qualité de portraitiste classique et naturaliste d’un écrivain qui, plus par effets de suggestion que par de longues descriptions, souligne ce qui, de son point de vue, forment les prémices de la décadence d’une Vienne où les codes, la morale, les règles bourgeoises et aristocratiques, aussi imparfaites soient-elles, resteraient le gage d’une forme d’équilibre.

Aussi, n’est-ce point sans surprise qu’au sein d’une société de plus en plus imprégnée par le capitalisme et les fortunes ostentatoires qui redessinent les contours de paysages familiers en des faubourgs puis des villes denses à l’architecture mouvante, les désirs d’émancipation d’une femme des conditions du mariage et s’essayant à la littérature, ne trouvent point d’issue heureuse sous la plume de Ferdinand von Saar.

Si l’une des qualités des grands classiques est celle pouvoir toucher du doigt les thèmes universels de la destinée humaine, alors ce livre entre assurément dans cette catégorie, et le lecteur d’aujourd’hui ne pourra que se réjouir d’y puiser matière à réflexion.