L’homme qui fuyait le Nobel de Patrick Tudoret
« Où que l’on porte son regard dans ce monde qu’y voit-on? La bassesse, la cruauté, la connerie dogmatique, la lâcheté, le meurtre, la guerre, des fleuves de sang que rien ne peut endiguer. De quoi perdre toute espérance. Alors, oui, je comprends que l’on puisse embrasser une foi qui sauve. Je ne parle pas de cette fausse foi qui n’est que prétexte à châtier ceux qui ne la partagent pas, mais d’une foi subversive, insolente, profonde, celle qui sonde les cœurs et les reins, nous laissant pantelants de honte tant est grande notre vacuité. »
Voici mon livre coup de cœur du jour, ou plutôt mon livre coup de coeur de cette nuit, car il est de ces ouvrages qui se savourent la nuit tombée, sous une lumière tamisée avec un mug de café et des cigarettes.
Un de ces livres qui vous remue l’âme, l’esprit, les sens. L’histoire d’un homme amoureux des mots, des livres, et de sa femme, son Yseult, partie trop tôt emportée par la maladie. Et par un long cheminement intérieur qui naitra sur les chemins de Compostelle, cet amour qui laissera en lui un vide immense se transformera en amour du Divin, de celui qui, en dépit des peines, de la perte d’un être cher, de la dureté de la vie, fait voir la vie plus belle, plus intense, nourrit l’Espérance.
Un livre que je dédie à ma fille qui porte le nom, dans sa version wagnérienne, de l’héroïne tant aimée, Isolde.
Le 1er septembre 2018.
Voici ce que j’écrivais en août 2016 à propos de ce livre qui fut le premier que je chroniquais sur ce blog naissant. A l’occasion de sa sortie en poche, et parce que depuis cette date, j’ai lu d’autres livres de cet auteur et vu une de ses pièces de théâtre, que je l’ai rencontré pour de vrai, j’ai éprouvé le désir de le lire à nouveau, ne serait-ce que pour vérifier si mes penchants littéraires d’il y a deux ans tendaient toujours vers la même direction.
Si je devais écrire un billet sur ce livre aujourd’hui, il est probable que je reprendrai presque mot pour mot ce que j’ai déjà écrit même si j’ai rajouté une citation qui n’y figurait pas précédemment. D’abord, parce que laissant aux spécialistes le soin de procéder à des analyses purement littéraires sur le style, la forme, les inspirations, je ne m’attache ici qu’à ce qui, à mes yeux, est source de réflexion et d’approfondissement sur le monde qui nous entoure pour mieux y vivre et s’y insérer telles des petites lanternes qui brillent et ne s’éteignent pas. Et d’autre part, parce qu’au fond, je reste sensible et attachée à ce qui m’a toujours fait vibrer, des êtres vivants, des êtres qui cheminent, des êtres en questionnement.
Cependant, fort d’une connaissance plus personnelle de son auteur à travers ses mots, ma seconde lecture fut plus intime si je peux oser ce terme, et donc plus émouvante, plus tendre. Quelques allusions à Fromentin qui fut l’objet d’un remarquable livre sorti cette année, des maîtres à pensée, le goût pour le voyage et la solitude, l’opéra de Wagner Tristan und Isolde, des anecdotes littéraires sur le chemin de Compostelle qui sonnent presque comme une virée personnelle qui nous serait partagée, le rude labeur de l’écrivain qui laisse hagard, le goût pour la langue française et le choix des mots.
Je n’avais pas beaucoup insisté aussi sur les lettres d’amour de Tristan à son Yseult qui s’insèrent entre les chapitres et qui sont de formidables hymnes à l’amour, un amour vrai, incarné, charnel, entier, jusqu’au bout.
Patrick Tudoret est un auteur qu’il est difficile de ne pas aimer tant ces paroles prêtées à Tristan dans son livre sont présentes dans ses écrits : « l’homme dispose de trois armes de construction massive : l’art, l’amour, le sacré. Et le reste n’est rien. »
Il est souvent de bon ton de décrier la littérature contemporaine. Et pourtant, il demeure des chevaliers des lettres et des arts, encore faut-il vouloir les découvrir.
Un ami m’ayant alerté, je découvre – au moment où je publie un autre livre – vos commentaires sur mon roman « L’homme qui fuyait le Nobel » paru chez Grasset il y a maintenant plus d’un an ! Son joli succès, je le dois à des lecteurs exigeants comme vous qui vont bien au-delà de la doxa dominante (même si mon livre a bénéficié d’une très belle presse, de deux prix et du soutien de nombreux libraires) et des clichés trop souvent véhiculés. Soyez-en chaleureusement remerciée. Avec mes amitiés, Patrick Tudoret
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