Loin de toi, je dépéris

Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un cœur qui s’ennuie

Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison

Dans ce cœur qui s’écœure.

Quoi ! nulle trahison ? …

Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine

La gémellité est un lien tout à fait fascinant, et quand je vois mon fils errer comme une âme en peine quand sa sœur s’absente quelques jours, je me trouve face à un mystère qu’il m’est bien difficile de percer.

La perspective d’un lien privilégié avec sa maman ou d’activités propres n’est absolument pas de nature à pouvoir surmonter un vide réel, et l’absence semble ôter toute saveur aux heures qui s’écoulent.

Je n’irai pas jusqu’à dire que j’en suis totalement perturbée, mais de voir mon fils généralement si joyeux, toujours plein de vie et d’envie, perdre en un temps record sa gaité et son enthousiasme est de nature à me dérouter.

Il est courant de lire ou d’entendre que les jumeaux doivent être différenciés ou séparés pour leur laisser leur autonomie propre. S’agissant en ce qui me concerne de jumeaux garçon / fille, je n’ai pas été confrontée à un impératif de dissociation, mais force m’a été de constater que les séparer à tout prix ne repose pas sur la prise en compte d’une réalité affective profonde, source d’un équilibre intérieur nécessaire et indispensable.

J’ai en mémoire de façon très vivace un épisode leur toute petite enfance où ma fille avait dû être hospitalisée pendant une semaine. Son frère était trop petit pour comprendre pourquoi sa sœur n’était plus là et il semblait si malheureux que j’avais pris l’initiative de l’emmener à l’hôpital. Le personnel médical avait refusé qu’il rentre dans sa chambre, et quand il comprit que nous repartirions sans qu’il puisse la voir, il s’était mis à hurler en se ruant en dehors de sa poussette et j’avais dû le trainer dans les couloirs de l’hôpital totalement désemparée.

Pour ma part, je n’aurai pas lutté contre leur envie de se retrouver dans la même classe. N’étant pas seule à décider, il n’en a jamais été ainsi, mais je me souviens également que lors de leur entrée en maternelle, ma fille, la première semaine, n’avait eu de cesse de s’échapper de sa classe subrepticement pour rejoindre celle de son frère. Pourtant, ils vivent de façon autonome à l’école, ayant chacun leur bande d’amis, mais la question est remise sur la table chaque année à la rentrée, et le collège se rapprochant, je finis par me demander sérieusement s’il ne faudrait pas céder à cette demande récurrente.

Ils sont pourtant très différents, et physiquement, et de caractère, mais nous touchons là du doigt quelque chose qui nous échappe, un lien indicible et sacré que nous ne pouvons qu’effleurer.

Finissant dans le même lit pendant des années, seul le fait de grandir et de ne plus avoir assez place a eu raison de ce besoin de dormir côte à côte.

L’évidence à leurs yeux de ce lien particulier ne souffre ni jalousie ni comparaison, et il est bien difficile de gronder l’un des deux sans voir l’autre devenir tout déconfit, laissant le sentiment qu’il est au fond plus judicieux de les laisser se « faire la morale » l’un l’autre une fois les lumières éteintes.

A l’heure où ma fille, toujours prompte à s’envoler, est partie quelques jours chez une de ses amies et où son frère, moins avide de quitter le giron maternel, se morfond en son absence, je m’émeus ce soir à l’évocation de cette bienveillance et de cet amour sans filtre qui les unissent, dotés de cette simplicité et de ce naturel dont nous sommes trop souvent dépourvus à leur égard en tant que parents.

Mon fils un soir, très en forme à un diner, n’a eu de cesse de m’imiter en clamant « maman n’est pas sévère mais elle veut toujours qu’on s’améliore » ! Oups…

Le message a bien fait rire mais il est tout de même passé.

A moi donc de m’améliorer en puisant à la source de cette fécondité qu’ils m’offrent tous deux.

 

 

3 réponses
  1. Hugues
    Hugues dit :

    Tu nous livres un témoignage intime pudique et bouleversant d’une question oh combien mystérieuse. Une dimension nous manque probablement pour comprendre la puissance d’un tel lien.

    Répondre
  2. Hugues
    Hugues dit :

    Tu nous livres un témoignage intime pudique et bouleversant d’une question oh combien mystérieuse. Une dimension nous manque probablement pour comprendre la puissance d’un tel lien.

    Répondre

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *