Les Atticistes d’Eugène Green

« Selon lui, Rome était tombée dans le vice de l’asianisme à cause du soleil et du ciel bleu qui y régnaient dans une démesure effroyable. Paris, en revanche, bénéficiait en toute saison d’une délicieuse petite pluie, d’un ciel gris, et de températures qui variaient peu entre décembre et juillet. Ce climat était un don de la Providence, qui protégeait la ville capitale de la France contre tout excès. »

Je connaissais Eugène Green réalisateur de films.

Je découvre Eugène Green écrivain.

Ce qui est extraordinaire dans la confiance donnée à autrui, c’est de pouvoir mettre ses pas dans les siens aveuglément ; non pas sans analyse ou recul, mais plutôt dans une forme d’abandon qui permet d’aiguiser et assouvir sa curiosité dans des terrains inconnus dont on sait par avance qu’ils sont balisés.

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La piste Pasolini de Pierre Adrian

« Pasolini a justement mis les mots sur mes inquiétudes. Je ne peux pas me confondre autant avec un écrivain. Il m’inspire autant parce que j’ai retrouvé chez lui cet appétit d’essentiel, l’humilité et la générosité du chrétien de chapelle. Et la répugnance pour le dogmatisme, la règle moralisante. J’aimais la profonde humanité de Pasolini, homme des actes gratuits et des relations humaines. Homme sans calcul, plus catholique que les catholiques. »

Il est étonnant ce Pierre Adrian que j’avais découvert à la lecture de son dernier livre «Des âmes simples».

Brillant et talentueux, cet ouvrage ne fait que confirmer ce qui déjà transpirait dans chaque page de son deuxième roman, mais en nous faisant marcher sur les traces de Pasolini, c’est une autre facette de sa personnalité qui nous est dévoilée.

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La passion de Thérèse d’Avila de Christiane Rancé

« Je découvrais enfin une sainte à mon goût, conquérante et aventureuse. (…). J’entendais ce pays (l’Espagne) comme l’une des plus hautes et des plus secrètes données de la vie spirituelle : les mystiques y tiennent lieu de philosophes et la poésie nourrit la théologie. (…) J’eus la certitude que ce pays avait été créé à la seule fin d’y louer la gloire de Dieu dans ce qu’elle a de plus déraisonnable et selon une idée supérieure et absolue, dont le génie catholique espagnole serait l’exaltation. »

Découvrir Thérèse d’Avila sous la plume de Christiane Rancé est un enchantement.

Christiane Rancé déploie tout son talent, son érudition et sa sensibilité pour nous immerger dans l’Espagne du XVIème siècle, alors première puissance politique de l’Europe, à la tête d’un empire grâce à l’or des Indes, l’Espagne des Hidalgos, des grands écrivains, des peintres, d’une culture qui irradie, Siècle d’or où la vie monastique est devenue un enjeu politique après la Reconquista des derniers territoires occupés par les Maures, l’Inquisition et surtout face à la montée du protestantisme de Luther.

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Tombée du nid et Petit à petit de Clotilde Noël

« Je souhaite que tout le monde puisse rencontrer ces enfants. Que chacun ait la chance d’échanger avec eux. Qu’il se laisse aimer. Qu’il arrive à percer leur mystère pour se laisser guider vers leur bonheur sans limite. Ils sont la clé qui manque à tous ceux qui réfléchissent trop pour vivre ou vivent trop pour réfléchir. Ceux qui oublient d’entendre leur cœur battre. Ceux qui ont tout matériellement, mais qui ne sont pas comblés, qui courent toujours pour attraper ce qui leur manque. (…). Le chromosome surnuméraire est comme un accent circonflexe sur le génome, (…) comme le mot âme avec son chapeau qui l’élève. »

 Chère Marie,

Une fois n’est pas coutume, je termine les deux livres de ta maman en ayant une folle envie de t’écrire à toi personnellement.

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La guerre civile qui vient est déjà là de Damien Le Guay

« La guerre civile est d’abord culturelle avant d’être sanglante. Elle s’installe dans les cerveaux avant de se servir de Kalachnikov et de bombes. Et chez nous, depuis trente ans, elle s’est développée au sein même du monde culturel. »

Voilà un livre dont je ne sais si je dois le recommander pour la qualité de son analyse ou le mettre aux oubliettes tant en le fermant je n’ai qu’une seule envie, foncer chez Castorama pour trouver une corde solide et me pendre.

La politique de l’autruche est en ce qui me concerne la meilleure des thérapies car un excès de lucidité sans filtre a une fâcheuse tendance à me conduire dans un état de dépression avancée, dont je me demande longuement comment en sortir.

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Hommage à Peter May

La sortie du dernier livre de Peter May, L’Ile au rébus, chez Rouergue, me donne l’occasion de rendre hommage à ce formidable écrivain qui fait date dans ma famille.

Il y a des auteurs comme cela qui, quoiqu’ils écrivent, quoiqu’ils publient, se lisent sans se poser de question, et Peter May, tout comme  notamment Michael D. O’Brien dont j’ai pu parler dans un précédent billet, fait partie de ceux-là.

Ses livres pris isolément ne sont pas tous des chefs-d’œuvre, mais quand on aime un écrivain, il me semble qu’il n’y a plus lieu de hiérarchiser ou de quantifier, et chaque nouvelle parution est une promesse de bonheur de lecture. J’ai donc tout naturellement dévoré son dernier livre ce week-end et me voici donc ce soir à l’essai pour tenter de lui rendre hommage.

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Un Roi Immédiatement de Marin de Viry

« La monarchie m’offre tout ce dont j’ai besoin : un honneur dans lequel je vois le courage, le don, la politesse, le respect de la parole donnée et reçue, la fidélité (…) La monarchie serait une nouvelle géométrie politique dans laquelle la grandeur et l’invisible auraient triomphé de la petitesse et de la banalité visible. (…) La grandeur c’est d’abord une histoire d’amour, une fragilité. Ce trésor ce n’est pas la position que l’on occupe dans la société ou l’idée excellente que l’on a de soi-même qui le gardera. C’est le soin que l’on apportera à ce que l’on aime. C’est le service. La grandeur, c’est servir, parce que servir c’est garder ce qu’on aime. Aussi la grandeur dans une monarchie n’est pas l’affaire des plus grands, mais de tous. »

A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, voici une petite pépite littéraire qui rend le bulletin à glisser dans les urnes encore plus douloureux.

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La montagne morte de la vie de Michel Bernanos

« Je me sentais maintenant capable d’agir, même dans les pires situations. Bien sûr mon angoisse était loin de m’avoir quitté, mais j’avais fini par m’habituer à elle, et je pense que c’est cela le courage».

Je ne sais plus par quel mystère ce livre, dont j’avais lu de telles dithyrambes qu’il me semblait absolument indispensable de me le procurer, a été porté à ma connaissance, mais le fait est que je l’ai commandé (en librairie), que je l’ai lu et que je l’ai trouvé époustouflant.

Nous sommes loin ici des livres dont je parle habituellement sur mon blog, mais il serait dommage de ne pas rendre hommage à ce petit opuscule considéré comme « un chef d’œuvre sans équivalent dans la littérature française. »

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Trois saisons d’orage de Cécile Coulon

« Les hommes estiment pouvoir dominer la nature, discipliner ses turbulences, ils pensent la connaître. Ils s’y engouffrent pour la combler de leur présence, en oubliant, dans un terrible excès d’orgueil, qu’elle était là avant eux, qu’elle ne leur appartient pas, mais qu’ils lui appartiennent. »

Voilà un roman que l’on peut qualifier de puissant, puissance de la nature, puissance de la passion, puissance de la terre.

Une pure saga familiale portée par le rythme de la vie rurale au sein des Trois-Gueules, endroit reculé qui a pris son essor après la Libération grâce à sa roche arrachée à la falaise, attirant les « fourmis blanches » loin de la ville, monde ouvrier se mêlant aux habitants résistant tant bien que mal à la dureté du climat, du lieu, de l’éloignement et qui pourtant, pour rien au monde, ne quitteraient cette terre qui les a vus vivre et mourir.

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Quelques collectionneurs de Pierre Le-Tan

« Dans cette atmosphère feutrée, chaque objet avait une telle présence qu’il n’avait sans doute besoin de rien d’autre, et surtout de personne. (…) Il devait éprouver une satisfaction éphémère, peut-être absurde mais si grande, d’être entouré des objets qu’on a choisis et qu’on aime. »

Certains livres sont de beaux objets en tant que tels, et celui-ci en fait assurément partie.

Délicieusement émaillé de dessins de Pierre Le-Tan lui-même, avec une couverture en grain cartonnée à double rabat, il est rare en dehors des bandes dessinées ou des livres pour enfants, de pouvoir lire des récits illustrés pour adultes.

Ne serait-ce que pour le plaisir des yeux, ce livre mérite a minima d’être feuilleté pour retrouver ce coup de crayon si caractéristique qui a forgé la renommée de Pierre Le-Tan.

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