Les feux de Notre-Dame de François Bert

« Ses deux tours, imperturbables, semblent porter le deuil et tenir néanmoins audience, comme une reine de France poussée à la régence l’heure suivant l’agonie de son roi de mari, tandis que le jeune héritier n’est pas encore prêt à régner. L’éprouvée retenant ses larmes exprime alors tout ce qui peut exister de noble en cette circonstance : silencieuse dignité, effacement de la volonté propre pour être le visage de la communauté, pas vertigineux vers le courage pour que perdure l’avancée. (…) Se détachant nettement des gravas enchevêtrés, une croix dorée reçoit la lumière comme si un projecteur lui était adressé du ciel. »

Les romans de François Bert sont toujours l’occasion de grands rendez-vous avec soi-même. Partant d’une réalité partagée, François a ce talent, qui touchera les amoureux des profondeurs et des ressorts cachés, de décrire ces moments de vie où tout bascule.

L’incendie de Notre-Dame a brisé cruellement le cœur de nombreux Français, comme un signal d’alarme qui viendrait réveiller nos consciences endormies face à un intemporel que l’on croyait indestructible.

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Catholiques de tous les partis, engagez-vous ! de Clotilde Brossollet

Catholiques de tous les partis, engagez-vous de Clotilde Brossollet

 « La politique est l’art de gouverner la cité, elle s’incarne ainsi dans des discours, des pratiques et une action rationnelle qui vise l’organisation de la société. (…) La doctrine chrétienne confère une ambition bien plus grande à la politique car, pour elle, la politique n’est pas une nécessité dictée uniquement par la vie sociale, elle découle de la nature même de l’homme. La politique doit être ordonnée au plus grand des biens, c’est-à-dire le bien commun, dont l’essence est non seulement temporelle mais aussi spirituelle. Si le bien commun doit profiter à tous, il doit aussi favoriser l’accession des âmes à la béatitude céleste. La responsabilité politique est donc immense car elle doit prendre sa part dans l’économie du Salut. (…) Les catholiques sont, dans l’espace public, des citoyens comme les autres auxquels incombent les mêmes droits et devoirs (…) mais notre foi fait de nous des citoyens à la double appartenance. »

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui dépasse l’inimaginable. Une minorité décriée tente en vain de faire entendre sa voix mais les têtes tombent les unes après les autres par voie de censure, radiation, mise au pilori, interdictions diverses et variées. C’est une déferlante silencieuse qui jette sur les bas-côtés tous ceux qui ne sont pas montés sur la vague.

A l’échelle individuelle, ce sont des drames intenses qui se jouent, des déchirements, et des choix à opérer qui semblaient inenvisageables il y a 18 mois. Il suffit de lire, écouter, voir les témoignages de celles et ceux qui se retrouvent à la marge pour ne pas douter une seconde que le monde est réellement devenu fou. Hier, 15 septembre, les premières suspensions ont été prononcées : pompiers, personnel soignant, c’est un gâchis monumental.

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Coups de coeur… comme diraient les libraires

Quand je lis les critiques littéraires de certains, je suis toute tremblante d’admiration par la vitalité, la talent et l’érudition qu’ils y mettent. Un grand critique à mon sens est celui qui non seulement parle de l’œuvre, mais également de l’écrivain à travers son œuvre, autrement dit, arrive nous faire comprendre comment le style et la pensée réunis concourent à faire œuvre littéraire, de telle sorte que le livre une fois ouvert voire même déjà lu, s’éclaire et s’illumine d’un jour nouveau. Nous avons tous en tête des grands classiques présentés comme des chefs-d’œuvre qui nous ont barbé comme les pierres, et c’est parfois des années après, la maturité et un prisme nouveau aidant, que nous avons pu parfois en savourer tout le génie.

Je me sens toute petite quand ensuite je viens ici vous parler des livres que j’ai aimés car mes billets, de littéraires, ils en ont peut-être la couleur des mots, mais de critiques il n’en est assurément rien, faute de talent en ce domaine et de savoir surtout. Je ne suis qu’un pèlerin autodidacte qui puise dans un labyrinthe infini les lumières plus ou moins vives que j’arrive à saisir et qui ressent le besoin de les faire partager, à travers le filtre de ma personnalité. Car ce qui m’importe ici, sur ce blog, ce n’est pas tant le livre, art sacralisé par certains qui taillent à la serpette tous ceux qui n’entrent pas dans le pinacle à leurs yeux, à raison parfois ceci dit, mais bien comment le livre, parmi tant d’autres sources, peut permettre de faire coïncider nos vies avec nos aspirations profondes.  Comment, ce qui vient d’ailleurs, d’en-Haut, des autres, peut transcender notre propre chemin pour le rendre plus noble, plus beau, plus vivable, plus vivant, en un mot : engagé. Engagé, au sens bernanosien du terme, en y mettant son corps et son âme, en osant et se risquant pour l’éternité.

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Le chemin des estives de Charles Wright

« L’année au noviciat m’avait éreinté. Elle m’avait mis une nouvelle fois en face de mon inaptitude à épouser une forme de vie. Les existences stériles sont celles qui ne se décident pas. La mienne était une hésitation incessante. (…) Je ne sais pas choisir de direction. (…) Un Père de l’Eglise d’Orient a écrit que la vocation de l’homme est de « puiser inépuisablement à l’Inépuisable. » Il me fallait une dose d’infini sous peine de dépérir. D’urgence, j’avais besoin de retrouver ce qu’il y a d’immense, d’éternel, de divin en chacun de nous, et m’immerger dans des paysages qui donnent l’éveil à ces parts profondes de l’homme. (…) Et je suis parti sur le chemin des estives.»

Charles Wright, qui nous avait offert en 2018 un livre admirable sur la vie de Dom Louf intitulé Le chemin du cœur que j’avais chroniqué ici, nous propose ici un autre chemin, un chemin plus personnel. A 37 ans, à l’occasion de son noviciat chez les Jésuites qu’il finira par quitter, il lui est demandé, avec un autre compagnon de route, d’expérimenter pendant un mois la vie d’un pèlerin mendiant. Et il part, avec un sac à dos, sur les chemins de la Creuse, du Massif central, de la France cantonale comme il le dit lui-même, en direction de Notre-Dame des Neiges. Ce livre est le fruit de ce qu’il a noté jour après jour, avec Rimbaud dans une main et l’Imitation de Jésus-Christ dans une autre.

Charles Wright ne ménage pas sa peine à nous décrire son parcours, ses déconvenues, ses joies, ses difficultés, l’hospitalité des gens qu’il croise, les églises fermées, une France presque oubliée de gens simples que l’agitation des grandes villes n’atteint pas. Il nous offre de très belles pages sur la nature, les vaches qu’il affectionne particulièrement, la pauvreté évangélique, l’abandon, la confiance. En érudit qu’il est, il émaille son livre de belles citations qui prennent tous leurs sens à l’orée de son dénuement, de ses longues marches et paysages souvent désertiques.

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Lectures pour temps de crise

« Nous devons prendre nos responsabilités » a dit monsieur le Président ce soir et ce n’est pas de la poudre de perlimpinpin. Non, non, non.

Chanceux sommes-nous, notre territoire de 10 km à la ronde peut s’arpenter sans attestation, et nous gardons nos enfants à la maison rien que pour nous, sans pouvoir les partager. Le « non-essentiel » nous est toujours interdit, ce qui est une occasion rare de poursuivre l’expérience de la sobriété heureuse et de la notion de « lèche-vitrine ». Si les Français ont le sentiment de trinquer, c’est sans alcool cela dit. Il a dû avoir une mauvaise expérience monsieur le Président avec une bière partagée à l’occasion d’un repas tiré du sac pour opérer une telle fixette sur la seule fantaisie qu’il était encore possible d’envisager en extérieur entre amis, heu citoyens pardon. Cela m’échappe, mais comme il était vraiment sérieux en insistant sur ce point, je m’incline béatement, acceptant de prendre mes responsabilités.

Je vais donc consacrer ce billet à tous les audacieux, les courageux, les téméraires qui ont vu leur livre sortir en plein Covid et qui me l’ont adressé dédicacé.

Cela ne nous empêche pas de les lire, bien évidemment, en revanche, adieu les promos, les salons, les librairies, tous ces lieux de rencontre qui rendent le livre vivant et contribuent à son partage. Mais comme nous devons rester responsables, ce ne sera pas demain que nous pourrons nous serrer la pince ni même nous claquer la bise, gestes barrières obligent.

Certains auteurs deviennent des amis, des amis des mots à tout le moins, de la pensée, de l’émotion, et je les remercie de tous ceux écrits de leurs mains sur les premières pages, qui me font tant plaisir à lire et rendent l’objet unique.

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La grâce de Thibault de Montaigu

« Alors, j’ai senti en moi, une minuscule fleur de lumière qui commençait à grandir. Qui s’épanouissait au son des notes. Se répandait à travers ma poitrine. Irradiait ma gorge et mon crâne. Jusqu’à emplir tout l’espace. Dieu était là, à l’intérieur de moi et derrière toute chose. Ici et nulle part à la fois, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, immergé dans l’univers et l’univers immergé en lui… Alors je me suis mis à pleurer comme jamais de ma vie. Les hymnes montaient aux cieux et je me sentais littéralement déchiré de joie. (…). Et je me demandais s’il me serait donné de la garder en moi vivante. »

Prenez un écrivain à la plume sans fard, limpide, talentueuse. Rajoutez un récit de conversation personnelle. Mêlez-y une quête sur un oncle devenu franciscain à 37 ans. Mélangez ces deux parcours de vie qui se croisent et se font écho, et vous obtenez un merveilleux récit qui vous happe de la première à la dernière page.

Merveilleux, car oui il y a de l’exceptionnel, de l’extraordinaire dans toute conversion qui fait basculer des destins dans une dimension qui les dépasse, les transforme, les dirige dans une voie qui aurait été inimaginable quelques années auparavant. Il y a quelque chose de prodigieux à lire à travers les mots d’un converti toute la beauté de la Foi, le sens de la miséricorde, la grandeur de l’amour de Dieu qui guérit et qui redresse.

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Confinement, le retour

Personnellement, je ne croyais pas cela possible mais à se retourner sur les semaines passées, force est de constater que chaque semaine a eu son lot d’interdictions, préconisations, sanctions, avec à chaque fois un cran supplémentaire. Le couvre-feu à peine lancé, voici que nous sommes à nouveau confinés. Du confinement » light » disent certains. Light à condition de ne pas être un petit commerçant, ni un indépendant, ni un restaurateur, de ne pas être pratiquant, de ne pas aimer la vie culturelle, de ne pas avoir d’amis, de ne pas aimer le sport en salle, bref ….  Si tu es un moine chartreux, effectivement le confinement ça ne change pas grand-chose.

Si tu aimes sortir, recevoir, partager, boire des cafés en terrasse, flâner en librairie, aller au théâtre, s’embrasser, se prendre dans les bras, remplir ton agenda de sorties impromptues, de choses à voir, de personnes à découvrir, tout ce qui fait en gros le sel de la vie, le confinement version « rebelote » il est d’une tristitude infinie.

Gravée aux frontons de nos maisons, la nouvelle devise tient en quatre lettres : GMDS  – Gel- Masque – Distanciation Sociale.

Et quitte à nous rendre encore plus fous, désormais tu « click & collect », tu regardes ton curé sur « youtube », tu dénonces « tes points contacts », tu dois choisir si tu travailles « en présentiel » ou « en distanciel », tu peux acheter de l’alcool mais pas de livres, remplir ton frigo de victuailles à t’en faire péter la panse mais ni te faire épiler ou couper les cheveux, tu ne peux pas aller à plus d’1 km de chez toi à pied pour prendre l’air mais t’entasser dans le métro si.

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Liberté d’inexpression d’Anne-Sophie Chazaud

Nouvelles formes de la censure contemporaine

« De la tuerie sanglante d’une rédaction de presse satirique à de multiples conférences universitaires supprimées, d’expositions censurées en œuvres expurgées ou modifiées, de procès en lynchages, de lois liberticides en chasse aux phobes de tout poil, c’est toute la sphère possible des modes d’expression les plus variés qui s’est trouvée frappée d’interdits, de pressions et d’inquisitions aussi loufoques que tragiques dans un vaste mouvement de censure polymorphe qui s’est précipité et aggloméré en quelques années.

Entre les injonctions morales du politiquement correct, les revendications atomisées d’individus agitant infantilement leur toute-puissance, la tyrannie inquisitoriale de minorités militantes, le retour d’un obscurantisme religieux violemment intolérant, une accumulation de lois toujours plus liberticides émanant d’un pouvoir politique transformé en chasseur de phobies comme d’autres épinglent les papillons, toute la question qui se pose à nous, est de comprendre comment ces différentes formes de censure s’organisent les unes par rapport aux autres, se complètent, s’articulent et forment un système dont nous tentons ici de mettre en évidence la structure. »

Si un livre est particulièrement criant de vérité en cette période et doit être lu, relu et offert, c’est bien le livre d’Anne-Sophie Chazaud publié en septembre dernier.

« Liberté d’inexpression » quand tu nous tiens, tu es tenace et il faut des actes  d’une atrocité innommable, réitérés sur notre territoire, pour que peut-être les yeux se dessillent enfin et les oreilles se débouchent.

Le « on ne peut plus rien dire », dont j’ai maintes fois usé moi-même en me faisant souvent décrier, devient enfin audible, si ce n’est qu’à bien y réfléchir le verbe « pouvoir » est mal ajusté et doit laisser la place à celui  « d’oser ».

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Ose la petite robe rouge de Françoise Evenou et Emmanuel Bourceret

« C’est miraculeux, oui. Jamais je n’aurais imaginé tout ce que je pouvais accomplir. A quoi ça tient au fond ? Au regard de l’autre. Celui qui vous dit, tu existes, tu comptes à mes yeux, tu as des ressources inestimables, tu es unique. Se risquer, oser. Elargir la définition que nous avons de nous-mêmes. Remplacer les « je dois » par « je décide », les « il faut » par « j’ai envie ». L’approbation des autres ne devait pas être mon objectif. (…) Toute rencontre que nous faisons dans notre vie ne se passe d’un sens secret. Ces relations d’amitié, d’amour. Certaines durent une vie, d’autres ne sont que des étoiles filantes. Et alors ? L’éclat ne brille qu’un instant, oui mais quel éclat, quelle intensité ! Durée, intensité ? Faut-il choisir ? »

Une faible estime de soi conduit à devenir son pire ennemi.

Vous savez, cette petite voix intérieure qui vous susurre « tu n’es pas capable », « tu es nulle », « tu n’es pas intéressante », cette peur qui vous paralyse et vous laisse à penser que, l’« autre », cette entité qui vous entoure, vaut toujours mieux que soi.

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Cora dans la spirale de Vincent Message

 « Dans mon entourage, parmi mes amis, ou au journal, les rares auxquels j’ai parlé du projet ont affiché des airs perplexes. (…) C’est vrai que c’est une toute petite histoire parmi toutes les histoires du monde. Mais seulement jusqu’à temps qu’on se dise qu’il n’y a pas de petite histoire. Car aux changements de noms près, c’est de nous qu’il s’agit. Le combat qui a cessé quelque part reprend ailleurs, et c’est le même combat. (…) Cela commence sans nous, toujours, la vie des gens comme celles des choses. Un jour nous arrivons : enfants dans une famille, adultes dans un nouveau pays ou un nouveau travail. Nous mettons souvent beaucoup de temps à comprendre ce qui s’est passé avant, pourquoi ceux qui nous entourent réagissent comme cela, quels conflits ou quels drames ont fait s’ouvrir les failles qu’on entrevoit en eux. C’est la masse du passé qui a décidé du présent. (…) Il existe un tas de gens que ça n’intéresse pas de sonder ces profondeurs d’histoire, et qui ne veulent en savoir que ce qui est nécessaire pour mener leur vie à eux. Il y en a d’autres que cela fascine. »

L’injonction au bien-être dans notre société tout en coupant à la racine ce qui peut procurer un bonheur profond et durable est l’un des plus grands paradoxes de notre société où tous les voyants sont au rouge pour qui prend le temps de regarder et d’analyser, mais sont vus verts et luminescents pour qui veut se convaincre que c’est comme ça qu’il faut faire au risque de tordre ou nier la réalité.

Ne pas l’accepter, c’est passer pour rétrograde, refuser le progrès, la marche inéluctable de la modernisation et il en faut peu pour qu’une bonhomie naturelle proche d’une naïveté joyeuse se prenne rapidement dans les dents le toboggan de la dégringolade qui vous place rapidement hors du système.

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